Le Triangle des Bermudes continue de fasciner et d’alimenter les théories les plus diverses. Entre phénomènes naturels inexpliqués et légendes urbaines, cette zone mystérieuse de l’océan Atlantique recèle de nombreux secrets que la science tente encore d’élucider.
Un territoire aux frontières floues
Contrairement à ce que beaucoup pensent, le Triangle des Bermudes n’apparaît sur aucune carte officielle du monde. Personne ne s’est jamais mis d’accord sur ses limites exactes, et sa superficie varie selon les estimations de 1,3 à 3,9 millions de kilomètres carrés. Cette zone aurait une forme vaguement triangulaire, mais sans délimitation précise.
Le terme « Triangle des Bermudes » lui-même est relativement récent. C’est en 1964 qu’un auteur américain nommé Vincent Gaddis l’a utilisé pour la première fois dans un article du magazine Argosy, décrivant une région océanique qui aurait détruit des centaines de navires et d’avions sans laisser de traces.
Les premières observations historiques
Les légendes concernant cette zone remontent au 15e siècle. L’explorateur Christophe Colomb, en naviguant dans l’Atlantique en 1492, rapporte avoir aperçu une énorme flamme frapper l’océan avec violence. Plus tard, au même endroit, il observe une étrange lumière clignotante. Comme de nombreux autres marins après lui, sa boussole se dérègle inexplicablement dans cette région.
L’énigme de l’Escadron 19
L’une des disparitions les plus célèbres reste celle de l’Escadron 19 en 1945. Cinq avions torpilleurs de l’US Navy effectuaient un vol de routine sous le commandement du lieutenant Charles Taylor. Selon les témoignages, les boussoles auraient cessé de fonctionner correctement. Les documents révèlent également que Taylor ne portait pas de montre ce jour-là.
Le rapport initial attribuait l’incident à une erreur de pilotage, mais cette conclusion ne convainquant pas tout le monde, il fut modifié pour mentionner « causes ou raisons inconnues ». L’avion de recherche parti à leur recherche, un aéroglisseur PBM5 Mariner, disparut également sans laisser de traces.
Le mystère du SS Cotopaxi
L’histoire du SS Cotopaxi illustre parfaitement l’étrangeté de cette zone. Ce navire a disparu en 1925 en voyageant de Charleston à La Havane. Dans les années 1980, une épave baptisée « Bear Wreck » fut découverte à 65 kilomètres au large de Saint-Augustine en Floride. Ce n’est qu’en janvier 2020 que des biologistes marins confirmèrent qu’il s’agissait bien du SS Cotopaxi. Comment ce navire a-t-il pu se retrouver dans une zone qu’il n’était pas censé traverser ?
Des phénomènes atmosphériques particuliers
Un pilote nommé Bruce Gernon affirme avoir traversé une sorte de « brouillard électronique » en 1970. Pris au milieu de deux énormes nuages et d’un violent tourbillon, il constate que son système de navigation fonctionne mal. À sa sortie des nuages, il découvre que son vol n’a duré que 35 minutes au lieu des 75 minutes prévues, l’amenant à penser qu’il avait « voyagé dans le temps ».
En 2014, un pilote rapporte avoir failli entrer en collision avec un objet volant non identifié. En 2015, des passagers filment un curieux objet flottant au-dessus de l’océan, que les pilotes ne parviennent toujours pas à identifier.
Les explications scientifiques
Les océanographes avancent plusieurs théories rationnelles. Les vagues scélérates constituent l’une des pistes les plus sérieuses. Ces immenses murs d’eau surgissent lorsque plusieurs vagues se chevauchent simultanément. Une seule vague peut atteindre plus de 10 mètres de haut, mais lorsque plusieurs se dressent ensemble, elles peuvent créer des vagues scélérates dépassant 30 mètres, capables d’engloutir rapidement même les plus gros navires.
Les météorologues évoquent quant à eux les nuages hexagonaux, formations inhabituelles générant des vents jusqu’à 270 kilomètres par heure sur des superficies importantes, certains atteignant entre 32 et 88 kilomètres de diamètre. Les vagues prises dans ces vents peuvent s’élever jusqu’à 14 mètres.
L’hypothèse du méthane
Une théorie intéressante concerne les éruptions de méthane sous-marin. Les organismes en décomposition au fond de l’océan libèrent de grandes concentrations de méthane qui restent piégées sous l’eau. Ce gaz peut s’accumuler jusqu’à exploser, remontant à la surface. Si un bateau se trouve dans la zone d’une de ces éruptions, l’eau devient beaucoup moins dense et peut le faire couler rapidement. Cependant, le Service géologique des États-Unis déclare qu’aucun rejet important de gaz ne s’est produit dans cette zone au cours des 15 000 dernières années.
Les anomalies magnétiques
Le fond océanique contient beaucoup de magnétite, qui ressemble au fer. Les champs magnétiques réagissent à cette forte concentration, créant parfois un conflit pouvant déclencher diverses anomalies météorologiques et des problèmes de navigation. Comme le champ magnétique terrestre est en mouvement constant, il se pourrait qu’il emporte le Triangle des Bermudes avec lui, le faisant se déplacer vers l’est.
D’autres triangles mystérieux
Le Triangle des Bermudes n’est pas unique. Il existe un triangle similaire dans le lac Michigan, où la première disparition documentée remonte à 1679. Un grand navire parti en expédition n’est jamais revenu. Plus tard, un avion a également disparu dans cette même zone. En 1883, des témoins rapportent avoir vu de grands blocs de glace tomber du ciel.
Un autre triangle se trouve dans l’océan Pacifique, au large de la côte sud du Japon, près de Tokyo. Appelé « Triangle du Dragon », cette zone présente une forte concentration d’hydrate de méthane au fond de l’océan et a vu disparaître de nombreux navires.
La théorie de l’Atlantide
Charles Berlitz avance une explication plus fantaisiste : selon lui, la zone abrite la cité perdue d’Atlantide. Les dysfonctionnements d’équipement et les disparitions seraient causés par des rayons d’énergie émis par des cristaux spéciaux alimentant cette civilisation. Bien que farfelue, cette théorie était suffisamment convaincante pour que plus de 20 millions de personnes achètent son livre dans le monde entier.
Les calmars géants
Une hypothèse plus réaliste concerne les calmars géants. Ces créatures, qui ont inspiré les légendes du Kraken, peuvent mesurer jusqu’à 18 mètres de long et peser presque une tonne. Certains scientifiques pensent qu’ils peuvent atteindre 45 mètres. Possédant les plus grands yeux du monde (de la taille d’un ballon de basket), ils peuvent voir leurs proies dans les sombres profondeurs à grande distance.
Équipés de huit membres et deux tentacules plus longs recouverts de ventouses dentées, ils pourraient théoriquement s’attaquer aux navires, particulièrement ceux en bois des siècles passés. Cependant, ils vivent généralement entre 400 et 900 mètres de profondeur et craignent la lumière.
Une perspective statistique
Il est difficile de connaître le nombre exact de navires et d’avions disparus, l’estimation approximative étant de 50 navires et 20 avions. Cette zone particulière constitue l’une des routes maritimes les plus fréquentées au monde. Statistiquement, plus une zone est fréquentée, plus la probabilité d’accidents et de disparitions est élevée.
Paradoxalement, le Triangle des Bermudes ne figure même pas dans le top 10 des endroits les plus dangereux de l’océan Atlantique pour la navigation.
L’évolution technologique
Aujourd’hui, avec les GPS et autres moyens de navigation modernes, la boussole fonctionne correctement dans cette zone puisque le pôle Nord magnétique ne coïncide plus avec le vrai pôle au niveau du Triangle des Bermudes. La ligne agonique se trouve désormais ailleurs, éliminant les anciens problèmes de navigation.
L’USS Pickering, première disparition confirmée
En 1800, l’USS Pickering, un grand voilier, a quitté les États-Unis pour se rendre aux Antilles avec son équipage de 90 hommes. Il a été le tout premier navire confirmé à disparaître dans le Triangle des Bermudes. On pense qu’il a été emporté par une tempête, mais aucune épave n’ayant été retrouvée, on ne peut en être certain.
L’océan largement inexploré
L’océan n’est exploré qu’à 5 %, ce qui laisse place à de nombreux mystères. Il est possible que des millions de créatures inconnues nagent dans les profondeurs marines. Les calmars géants, par exemple, restent parmi les créatures les plus insaisissables de la planète malgré leur découverte scientifique il y a plus de 150 ans.
Le Triangle des Bermudes continue donc de nourrir l’imaginaire collectif. Entre explications scientifiques rationnelles et phénomènes encore inexpliqués, cette zone mystérieuse témoigne de notre méconnaissance des océans et de leurs secrets.
Source : SYMPA