Du 22 au 24 octobre 2024, la 16e édition du sommet des BRICS+ s’est tenue à Kazan, en Russie. Cet événement marque un tournant historique dans l’équilibre des forces mondiales. Initialement conçu comme une alliance économique entre cinq grandes puissances émergentes (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud), le groupe s’est transformé en une entité géopolitique influente. Avec des annonces majeures et des projets novateurs, ce sommet a renforcé la position des BRICS+ en tant qu’alternative au G7 et aux institutions dominées par l’Occident.
Une alliance en pleine expansion
Les BRICS+ représentent désormais 45 % de la population mondiale, 36 % du PIB global et une grande partie des ressources stratégiques planétaires. Cette montée en puissance attire chaque année de nouveaux candidats désireux de rejoindre le groupe. En 2024, pas moins de 39 pays ont déposé leur candidature, parmi lesquels la Turquie, le Mexique, la Palestine et la Syrie. Bien qu’aucun nouvel élargissement officiel n’ait été annoncé, cinq membres permanents avaient intégré l’alliance en début d’année : l’Éthiopie, l’Iran, l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis et l’Égypte.
La Nouvelle Banque de Développement : un pilier stratégique
Créée en 2014, la Nouvelle Banque de Développement (NBD) offre une alternative au FMI et à la Banque mondiale. Contrairement à ces institutions occidentales, la NBD finance des projets sans imposer de conditions politiques strictes. Avec 100 milliards de dollars de capital initial, dont 41 milliards apportés par la Chine, elle a jusqu’à présent approuvé 96 projets pour un total de 32,8 milliards de dollars. Bien que modeste, son rôle s’amplifie avec le développement d’un portefeuille d’investissement commun pour stimuler la croissance des membres.
Une avancée clé : Brickspay et la dédollarisation
L’une des annonces majeures du sommet a été le lancement de Brickspay, un système de paiement international entièrement basé sur les devises locales. Conçu pour contourner le dollar américain et réduire son influence, Brickspay vise à transformer les échanges commerciaux entre les membres et au-delà. À terme, les BRICS envisagent la création d’une monnaie internationale, indexée sur des actifs réels comme l’or, les hydrocarbures et les métaux précieux. Cette initiative s’inscrit dans une stratégie globale de dédollarisation, orchestrée principalement par la Chine et la Russie.
Nouvelles plateformes financières
Pour soutenir cette autonomie économique, les BRICS ont également proposé de nouvelles places boursières. Ces plateformes incluraient une bourse aux diamants, une autre dédiée aux métaux précieux, et une bourse agricole pour les céréales. Ces initiatives visent à offrir des alternatives aux grandes places occidentales comme Londres ou Chicago. Avec 51 % de la production mondiale d’énergie fossile et une part significative des marchés agricoles, les BRICS sont idéalement positionnés pour dominer ces secteurs stratégiques.
Réconciliation entre l’Inde et la Chine
Un des faits marquants du sommet a été la réconciliation entre l’Inde et la Chine, mettant fin à une dispute frontalière vieille de plusieurs décennies. Ce rapprochement inattendu renforce la cohésion interne des BRICS, en envoyant un signal d’unité au reste du monde. Lors du sommet, les présidents Narendra Modi et Vladimir Poutine ont salué cette avancée, marquée symboliquement par l’ouverture d’un consulat indien à Kazan.
Une position mesurée face aux crises internationales
L’Ukraine : une guerre périphérique
Les BRICS ont adopté une posture prudente vis-à-vis de la guerre en Ukraine, qu’ils considèrent comme un conflit local. Les sanctions occidentales contre la Russie sont largement contournées, et les appels à la paix restent symboliques.
Gaza : des avis divergents mais une unité humanitaire
Sur la question de Gaza, les positions varient au sein des BRICS. L’Iran et la Chine condamnent fermement les actions israéliennes, tandis que l’Inde soutient discrètement Israël. Malgré ces divergences, les BRICS appellent unanimement à des corridors humanitaires pour acheminer de l’aide et éviter une escalade du conflit.
Une organisation en pleine mutation
Les BRICS ne se limitent plus à une coopération économique. Lors du sommet, ils ont annoncé un renforcement des partenariats en matière de sécurité, notamment dans les domaines de la cybersécurité et de la lutte contre le terrorisme. Bien que l’alliance ne dispose pas d’une force militaire commune, elle continue de se structurer pour peser davantage sur la scène internationale.
Conclusion : une étape décisive pour l’ordre multipolaire
Le sommet de Kazan a consolidé la place des BRICS comme acteur clé dans la transformation de l’ordre mondial. Avec des initiatives audacieuses comme Brickspay, un renforcement de la cohésion interne et une attractivité croissante, l’alliance se positionne comme une alternative sérieuse aux structures dominées par l’Occident. Malgré des rivalités internes et des critiques externes, les BRICS continuent de démontrer leur capacité à remodeler les équilibres globaux.
Source : MoneyRadar