Albert Einstein, reconnu pour sa fameuse phrase « Dieu ne joue pas aux dés avec l’univers » adressée à son collègue physiciste Max Born, était souvent interrogé sur sa vision de Dieu et de la religion. En tant que génie précurseur de son époque, Einstein n’avait pas une vision conventionnelle du monde et développait ses propres idées basées sur ses connaissances, réflexions et théories. Cet article explore en profondeur ce que Dieu signifiait pour Albert Einstein, sa position sur la vie après la mort, sa religion, et ses relations avec diverses traditions religieuses comme le judaïsme, le christianisme ou le bouddhisme.
Enfance et premières questions
Albert Einstein est né le 14 mars 1879 à Ulm, dans le royaume de Wurtemberg de l’Empire allemand, au sein d’une famille juive séculière. Cet environnement familial a exposé Einstein aux domaines de la science et de la religion dès son plus jeune âge. Fasciné par une boussole que son père lui avait montrée, Einstein s’interrogeait sur la raison pour laquelle l’aiguille se dirigeait constamment dans une direction. Cet émerveillement face aux mystères de la nature a éveillé son intérêt pour la science.
Malgré l’orientation non religieuse de sa famille, Einstein a traversé une brève phase religieuse vers l’âge de 12 ans. Il s’est alors intéressé aux pratiques juives, apprenant par lui-même et observant des préceptes alimentaires du kashrut pendant un temps. Toutefois, cette phase n’a pas duré. Nourri par des textes scientifiques, il a développé une pensée critique de la religion organisée, croyant plutôt en un univers régi par des lois immuables compréhensibles par la raison et l’observation.
Adolescence et premiers questionnements
Durant son adolescence, Albert Einstein a fréquenté le « Luitpold Gymnasium » à Munich, une école traditionnelle valorisant apprentissage rigoureux et obéissance à l’autorité. Ce style d’enseignement ne lui convenait pas, car il préférait apprendre à son propre rythme, s’intéressant davantage aux idées qu’aux règles strictes. C’est alors qu’il commença à douter des enseignements religieux. Les histoires bibliques semblaient en contradiction avec sa logique et son émergente compréhension des lois naturelles.
Parallèlement à son scepticisme, Einstein développa un vif intérêt pour des philosophes classiques et scientifiques comme Kant et Newton, renforçant ainsi son aspiration à chercher la vérité par la raison et l’expérimentation plutôt que par la foi aveugle. Pour continuer dans un environnement plus libéral, il a déménagé à Arau, en Suisse, pour finir ses études secondaires à l’école cantonale dirigée par Jost Winteler. Il y trouvait un cadre propice à son apprentissage indépendant et à son esprit critique, y développant ses idées sur la physique, prélude à la théorie de la relativité.
Études au Polytechnique de Zürich
Lors de ses études au Polytechnique de Zurich (aujourd’hui connu comme l’ETH Zurich), Einstein a traversé une phase de croissance intellectuelle significative. Il y était formé comme professeur de physique et de mathématiques. À ce moment, la philosophie des sciences commençait à influencer profondément ses réflexions. Fasciné par la manière dont la science cherchait à comprendre l’univers via des lois et des théories, Einstein se posait des questions sur les explications religieuses, généralement ancrées dans la volonté divine.
C’est durant cette période qu’Einstein découvrit les œuvres de Baruch Spinoza. Spinoza, philosophe du 17e siècle, avait une conception de Dieu différente de la vision judéo-chrétienne traditionnelle : selon lui, Dieu et la nature étaient la même chose – une vision dite panthéiste. Cette idée résonna chez Einstein, trouvant dans l’harmonie et la rationalité de la nature une manifestation du divin. Cette perspective infusa ses réflexions ultérieures sur Dieu et la religion.
La période à l’Office des brevets
Après avoir obtenu son diplôme du Polytechnique et traversé des difficultés pour trouver un poste académique, Einstein trouva un emploi à l’Office des brevets de Berne en 1902. Ce travail consistait à examiner des inventions, analysant leurs principes physiques pour déterminer leur brevetabilité. Malgré un emploi à plein temps, il disposait d’un emploi du temps prévisible, lui laissant du temps pour réfléchir à ses propres idées.
C’est durant cette période qu’Einstein publia en 1905 sa théorie de la relativité restreinte. Cette théorie révolutionnaire modifiait la compréhension du temps, de l’espace et du mouvement, démontrant que les mesures de temps et d’espace varient selon la vitesse de l’observateur, tout en établissant que les lois de la physique restent uniformes quel que soit l’observateur.
Le déménagement à Berlin et la Première Guerre mondiale
En 1914, Einstein déménagea à Berlin, année marquée également par le début de la Première Guerre mondiale. Cette période eut un impact profond sur sa vision du monde et sa philosophie. La violence de la guerre et l’utilisation de la science pour la destruction le poussèrent à s’interroger sur le rôle des scientifiques et leur responsabilité éthique.
Face à l’implication de ses collègues dans l’effort de guerre, Einstein développa un pacifisme résolu. Il utilisait souvent le concept de Dieu pour représenter un système de lois naturelles, contrastant avec le chaos de la guerre humaine. Ces années nourrirent son activisme pour la paix et son engagement dans les débats sur la moralité scientifique.
La montée en notoriété
La notoriété d’Albert Einstein explosa en novembre 1919, lorsque les observations d’une éclipse solaire confirmèrent ses prédictions concernant la courbure de la lumière autour du soleil, une des clés de la théorie de la relativité générale. Cette théorie, publiée en 1915, décrivait la gravité comme une courbure de l’espace-temps causée par la masse, renversant la compréhension newtonienne de l’univers.
La découverte émut le monde, faisant d’Einstein une célébrité mondiale, symbole du génie humain capable de percer les mystères de l’univers. Avec cette notoriété, Einstein interagissait davantage avec des philosophes et des scientifiques sur la nature de Dieu et de la religion, exprimant de plus en plus son admiration pour la structure de l’univers.
Le Prix Nobel de physique
En 1921, Albert Einstein reçut le Prix Nobel de physique, qui lui fut officiellement remis en 1922. Cependant, ce n’était pas pour sa théorie de la relativité, encore considérée controversée à l’époque, mais pour sa découverte de l’effet photoélectrique. Ce phénomène – émission d’électrons lorsqu’une lumière éclaire un métal – fut expliqué par Einstein en proposant que la lumière soit composée de quantas, ou photons. Ce travail pionnier soutenait la théorie quantique naissante.
La réception du Nobel rehaussa encore davantage son statut. À ce moment, il traversait un divorce avec sa première épouse, Mileva Maric, à qui il avait promis l’argent du prix Nobel dans leur accord de divorce.
La phrase « Dieu ne joue pas aux dés »
En 1926, Einstein utilisa la fameuse phrase « Dieu ne joue pas aux dés » dans une lettre à Max Born, exprimant son désaccord avec la mécanique quantique. Cette branche de la physique, qu’Einstein avait contribué à fonder, suggère que le niveau atomique et subatomique est régi par des probabilités plutôt que des lois prévisibles. Einstein pensait qu’il devait exister des lois sous-jacentes ou des variables cachées permettant de prédire les comportements de l’univers, même si elles n’avaient pas encore été découvertes.
Voyages à l’étranger et rencontres culturelles et religieuses
Après avoir remporté le prix Nobel, Einstein devint un voyageur international, utilisant sa notoriété pour donner des conférences et promouvoir ses idéaux pacifistes et sionistes. Ces voyages l’exposèrent à diverses cultures et religions, enrichissant sa vision du monde.
En 1921, Einstein fit son premier voyage aux États-Unis, sur invitation de Chaim Weizmann, futur président d’Israël, pour collecter des fonds pour l’université hébraïque de Jérusalem. Durant ce séjour, il rencontra des figures importantes, y compris le président Harding.
En 1922, en voyage au Japon, il apprit qu’il avait remporté le prix Nobel. Il fut impressionné par la culture japonaise, notant la beauté du pays et la profondeur de sa culture dans son journal. En 1923, il visita la Palestine, où il fut accueilli en héros et prononça un discours à l’université hébraïque de Jérusalem. Einstein effectuait aussi des voyages en Europe, notamment en Espagne, pour des conférences scientifiques et promouvoir la paix.
Attaques contre Einstein
Entre les années 1920 et 1930, Einstein n’affrontait pas uniquement des défis scientifiques, mais aussi des critiques politiques et antisémites. Des figures comme Johannes Stark et Philipp Lenard, tous deux lauréats du prix Nobel et sympathisants du national-socialisme, menaient la charge contre lui.
Stark et Lenard tentaient de discréditer la relativité d’Einstein, la qualifiant de « physique juive », et promouvaient une « physique allemande ». Leurs critiques étaient profondément influencées par l’antisémitisme rampant et visaient à effacer l’influence juive en physique. En réaction à la montée du nazisme, Einstein quitta l’Allemagne en 1933 et s’installa aux États-Unis, poursuivant ses travaux au sein de l’Institute for Advanced Study à Princeton.
La vie en exil
En tant que figure juive éminente, Einstein était une cible pour le régime nazi après la prise de pouvoir de Hitler en 1933. Séjournant aux États-Unis à ce moment-là, il décida de ne pas rentrer en Allemagne. En son absence, sa maison fut pillée et ses écrits brûlés. Einstein perdit sa patrie, mais gagna la liberté d’exprimer ses opinions politiques et de poursuivre ses recherches scientifiques sans censure.
Il utilisa sa position pour mettre en garde contre les dangers du régime nazi et plaider pour les droits humains et la liberté. Concerné par l’escalade militaire en Europe, il signa en 1939 une lettre adressée au président Roosevelt, alertant sur les avancées nucléaires en Allemagne et la possibilité d’armes atomiques, incitant les États-Unis à accélérer leur propre recherche.
Le projet Manhattan et regret d’Einstein
La lettre d’Einstein à Roosevelt eut un fort impact, initiant le projet Manhattan et le développement de la bombe atomique. Horrifié par l’utilisation des bombes sur Hiroshima et Nagasaki en 1945, Einstein éprouva un profond regret pour son rôle indirect dans leur création, renforçant son engagement contre les armes nucléaires.
Einstein plaidait pour le contrôle des armes et une coopération internationale pour prévenir la guerre nucléaire. Il co-signa en 1955 la déclaration Russell-Einstein, appelant à éviter la guerre nucléaire et à rechercher des solutions pacifiques aux conflits. Son activisme et ses prises de position étaient façonnés par une vision de l’éthique et de la responsabilité scientifique.
Einstein et le sionisme
Einstein soutenait le sionisme depuis les années 1920, non pas comme une expression de nationalisme traditionnel, mais comme une idée de patrie culturelle et spirituelle pour les Juifs, surtout dans le contexte de l’Holocauste. Bien qu’il appuyât la création de l’État d’Israël en 1948, il préconisait un État binational pacifique et critiquait le militarisme.
Son soutien au sionisme était nuancé, empreint de ses idéaux de paix et de justice. Il ne croyait pas en un État fondé sur une religion spécifique et était préoccupé par le nationalisme extrême. Bien qu’il ait décliné l’offre de présidence d’Israël en 1952, Einstein continuait à influencer le débat sur Israël et le judaïsme dans le monde d’après-guerre.
La quête pour une théorie unifiée
Einstein consacra les deux dernières décennies de sa vie à chercher une théorie du champ unifié, visant à intégrer toutes les forces fondamentales de la nature en un cadre théorique unique. Malgré les avancées de la mécanique quantique, il restait déterminé à trouver cette théorie, sans succès avant sa mort. Il voyait cette quête comme la clé pour comprendre l’unité sous-jacente de l’univers, reflet de sa vision de l’ordre cosmique.
La mort d’Albert Einstein
Albert Einstein s’éteignit le 18 avril 1955, à l’âge de 76 ans, à l’hôpital de Princeton, des suites de la rupture d’un anévrisme de l’aorte abdominale. Refusant une opération qui aurait prolongé artificiellement sa vie, il déclara: « Je veux partir quand je veux. Il est de mauvais goût de prolonger artificiellement la vie. »
Après sa mort, l’acte controversé du pathologiste Thomas Stoltz Harvey, qui extrait sans autorisation le cerveau d’Einstein lors de l’autopsie, souleva de nombreuses questions éthiques et légales. Les résultats des études sur le cerveau d’Einstein restèrent cependant sujets à débats et critiques.
La « lettre de Dieu »
En janvier 1954, un an avant sa mort, Einstein écrivit à Eric B. Gutkind, philosophe, exprimant ses croyances personnelles sur Dieu. Il rejetait l’idée d’un Dieu personnel et descriptif, préférant une vision influencée par Spinoza, où Dieu et l’univers ne font qu’un. Einstein critiqua également les institutions religieuses qu’il trouvait superstitieuses et autoritaires.
Einstein et la vie après la mort
Albert Einstein ne croyait pas en une vie après la mort telle que décrite par de nombreuses religions. Pour lui, la morale et l’éthique étaient des émanations humaines, indépendantes de toute autorité supérieure. Il a même déclaré qu’un Dieu qui observe et juge les actions humaines n’avait pas de sens, car tout dans l’univers, y compris les actions humaines, était régi par des lois naturelles inaltérables.
La spiritualité cosmique
Einstein développait une manière unique de considérer la religion, qu’il qualifiait de « spiritualité cosmique ». Il ne croyait pas en un Dieu anthropomorphique, mais ressentait un profond sentiment d’émerveillement face à l’univers. Dans un essai de 1930, il évoquait trois étapes de la croyance en Dieu: la peur, la quête de soutien social et moral, et finalement un sentiment cosmique de mystère et de beauté universelle. Pour lui, la science et la religion pouvaient coexister dans ce sentiment de stupéfaction face à l’univers.
Einstein et le bouddhisme
Bien qu’il ne pratiquât pas le bouddhisme, certaines de ses idées résonnaient avec cette tradition. Par exemple, sa perspective sur l’interconnexion de l’humanité et de l’univers, et sa croyance que notre perception du temps varie selon nos expériences internes, rappellent les enseignements bouddhistes sur l’interdépendance et la nature subjective du temps.
Einstein et l’église chrétienne
En dépit d’une éducation religieuse juive et d’une scolarité dans une école catholique, Einstein ne percevait pas de grande différence entre les deux traditions. S’il appréciait la Bible hébraïque et la passion de Jésus, il critiquait cependant l’antisémitisme de certaines pratiques religieuses.
Il collaborait avec des figures comme le prêtre-scientifique Georges Lemaître et avait des opinions variées sur le catholicisme, louant sa position antinazie avant de nuancer ses propos en critiquant sa complicité historique avec les régimes autoritaires.
Einstein et le futur de la foi
La perspective d’Einstein sur le monde peut influencer la manière dont science et religion interagiront à l’avenir. Il voyait la science et la religion comme complémentaires, chacune répondant à des questions différentes sur la vie et l’univers. Ce point de vue pourrait inspirer un futur où ces domaines ne sont pas en opposition, mais où ils coopèrent pour enrichir la compréhension humaine.
Les théories d’Einstein continuent d’influencer le XXIe siècle, en impactant des aspects tels que la perception du temps, de l’espace et l’interconnexion de l’univers, ce qui pourrait orienter les pensées religieuses modernes sur la création et la nature de Dieu.
Source : Lifeder Educación