Les plantes, longtemps perçues comme des organismes passifs et dénués de complexité, révèlent des capacités fascinantes. Des recherches récentes menées, notamment par l’Institut national de la recherche agronomique (Inra), mettent en lumière leur aptitude à percevoir leur environnement, à s’y adapter et à communiquer, des découvertes qui bouleversent les idées reçues.
Les plantes sont douées de proprioception et du sens du toucher
Dans les laboratoires de l’Inra à Clermont-Ferrand, les scientifiques explorent les mécanismes de perception des plantes. Une expérience dirigée par le chercheur Bruno Moulia a démontré qu’une jonquille, placée à l’horizontale dans une sphère de lumière artificielle, parvient à détecter la gravité et à se redresser, même privée de repères lumineux. Cette capacité, semblable à la proprioception humaine, permet aux plantes de percevoir leur configuration corporelle dans l’espace.
D’autres expériences ont montré que cette sensibilité s’applique également aux arbres. Lorsqu’ils détectent un vent inhabituel, ces végétaux ajustent leur croissance : ils ralentissent leur développement en hauteur, augmentent leur diamètre et renforcent leurs racines. Ces réponses sont enregistrées dans une mémoire végétale qui peut durer plusieurs mois. Grâce à des électrodes placées sur de jeunes peupliers, les chercheurs ont observé des réactions électriques semblables à des influx nerveux, témoignant d’une sensibilité proche de celle des animaux.
Ces observations révèlent également que les arbres possèdent un sens du toucher. En réponse à des impulsions d’air, ils modifient leur croissance pour s’adapter à leur environnement. Ce comportement, loin d’être purement instinctif, résulte d’une combinaison complexe de signaux internes.
Une prise de conscience de la sensibilité des plantes
Ces découvertes questionnent les fondements mêmes de notre perception des plantes. « Nos recherches font tomber le mur que notre civilisation occidentale avait dressé depuis Aristote entre animaux, sensibles et capables de mouvements actifs, et les plantes seulement capables de… végéter », souligne Bruno Moulia. Les plantes, bien que dépourvues de système nerveux, perçoivent et interagissent avec leur environnement de manière sophistiquée.
Ce regain d’intérêt pour les capacités végétales ne se limite pas au monde scientifique. Le grand public s’y intéresse également, comme en témoigne le succès de l’ouvrage La vie secrète des arbres de Peter Wohlleben, traduit dans plus de 40 langues et vendu à plus d’un million d’exemplaires en France. Par ailleurs, les chercheurs collaborent désormais avec des experts en intelligence artificielle pour mieux comprendre ces phénomènes, ouvrant de nouvelles perspectives sur la définition même de l’intelligence.
Les plantes se parlent grâce à leurs racines
Les plantes, bien que fixes, ont développé des mécanismes ingénieux pour interagir avec leur environnement. Une étude suédoise sur des plants de maïs a révélé qu’elles communiquent entre elles via des signaux chimiques transmis par leurs racines. Lorsque leurs feuilles entrent en contact, elles envoient des messages aux autres plantes pour réguler leur croissance et éviter les zones surpeuplées.
Ce phénomène, appelé « timidité des cimes », est observé dans les forêts, où les arbres arrêtent leur croissance avant que leurs cimes ne se touchent. Ces échanges chimiques permettent aux plantes d’optimiser leurs ressources et de maintenir un équilibre avec leur environnement.
Les interactions aériennes conduisent à une communication souterraine
Des expériences ont également montré que les interactions entre plantes au-dessus du sol influencent leur comportement souterrain. Par exemple, des plants de maïs soumis à un simple contact avec un pinceau modifient la composition chimique de leur solution de croissance. Ces changements affectent les plantes voisines, qui ajustent leur développement en conséquence, privilégiant parfois les feuilles au détriment des racines.
Ces résultats soulignent l’importance des signaux chimiques dans la communication végétale. Ils montrent également que même de petites perturbations, comme le simple fait de toucher une plante lors d’une expérience, peuvent avoir des répercussions sur les résultats scientifiques en raison des interactions complexes entre les végétaux.
Ce qu’il faut retenir
Les recherches menées à l’Inra et ailleurs révèlent que les plantes possèdent des capacités de perception et de communication bien plus développées qu’on ne le pensait. Elles détectent la gravité, le vent, et s’adaptent à leur environnement grâce à des mécanismes sophistiqués. En outre, elles interagissent avec leurs voisines via des signaux chimiques transmis par leurs racines, démontrant une forme de communication subtile mais efficace. Ces découvertes invitent à repenser notre vision des plantes, longtemps considérées comme de simples organismes immobiles et insensibles.