Jean-Pierre Petit, physicien, astrophysicien et ancien directeur de recherche au CNRS, incarne la figure du scientifique visionnaire et marginal. Ses travaux novateurs et ses prises de position audacieuses ont marqué plus de quatre décennies de recherche. À 86 ans, il reste un esprit effervescent, défiant les paradigmes établis tout en inspirant de nouvelles générations.
Dans une interview exclusive accordée au média Nexus, Jean-Pierre Petit revient sur ses découvertes révolutionnaires, ses combats contre un système scientifique parfois conservateur, et ses réflexions sur des questions fondamentales comme la cosmologie, la technologie et les enjeux géopolitiques. Cet article synthétise ses propos, offrant un aperçu unique de l’esprit et des travaux d’un homme hors du commun.
Un scientifique hors norme
Jean-Pierre Petit ne ressemble à aucun autre. Physicien, vulgarisateur, passionné de planeur et provocateur, il incarne un modèle unique de recherche alliant rigueur, créativité et goût pour l’aventure. Malgré son âge avancé, Petit continue de pratiquer le vol en planeur, une activité qui symbolise sa quête d’altitude intellectuelle. Il imagine des expériences improbables, comme celle de voler entouré de vautours attirés par une ficelle et un morceau de viande. Mais derrière cette excentricité se cache une intelligence scientifique redoutable, capable de remettre en question des dogmes fondamentaux.
Ce qui distingue Jean-Pierre Petit, c’est son talent pour rendre accessibles des concepts complexes. Qu’il s’agisse de cosmologie ou de physique appliquée, il maîtrise l’art d’expliquer des idées abstraites au grand public, le rendant témoin de la beauté des mécanismes de l’univers.
Le modèle Janus : une vision révolutionnaire de l’univers
Depuis plus de 40 ans, Jean-Pierre Petit défend un modèle cosmologique audacieux baptisé Janus, qui propose une refonte radicale de notre compréhension de l’univers. Ce modèle repose sur une hypothèse clé : l’existence de masses négatives interagissant avec les masses positives. Selon Petit, ces masses de signes opposés se repoussent mutuellement, créant des structures cosmiques à grande échelle comme les vides et les filaments galactiques. Dès les années 1990, il a confirmé cette idée grâce à des simulations numériques, utilisant des ordinateurs rudimentaires pour son époque.
Contrairement au modèle standard de la cosmologie, Janus postule que 96 % de l’univers est constitué de masses négatives, dominant totalement l’expansion cosmique. Ces masses négatives expliqueraient l’accélération de l’expansion de l’univers sans recourir aux notions d’énergie noire ou de matière noire, souvent qualifiées de « boîtes noires » faute d’explications claires.
Le modèle Janus introduit également une dimension fascinante : un univers parallèle où le temps s’écoule à l’envers. Ces deux univers interagissent subtilement, offrant une explication à des observations inexpliquées, comme la formation rapide des galaxies dans l’univers primitif, révélée récemment par le télescope James Webb.
Pour intégrer ces idées dans un cadre rigoureux, Petit a dû modifier les équations de la relativité générale d’Einstein en proposant deux équations couplées. Il décrit un univers « recto-verso », où chaque point possède deux distances différentes selon qu’il est mesuré dans l’univers classique ou dans l’univers miroir. Cette approche radicale a suscité de vives oppositions, notamment en France.
Une lutte constante avec la communauté scientifique
Jean-Pierre Petit est depuis longtemps ostracisé par une partie de la communauté scientifique. En 2019, l’académicien Thibault Damour a publiquement discrédité son modèle Janus, déclarant qu’il n’était pas viable. Ces critiques, relayées dans des cercles influents, ont freiné l’intérêt pour ses travaux, malgré leur pertinence croissante face aux découvertes astrophysiques modernes.
Selon Petit, la science en France est paralysée par un système hiérarchique rigide et un manque de souffle épique. Il déplore une époque où les chercheurs étaient audacieux, comparant la recherche moderne à un champ où l’on attèle des pur-sang à des charrettes. Il appelle les jeunes chercheurs à oser sortir des sentiers battus, malgré les obstacles institutionnels.
La magnétohydrodynamique : un potentiel gâché
Outre ses contributions à la cosmologie, Jean-Pierre Petit est un pionnier de la magnétohydrodynamique (MHD), une discipline permettant de manipuler des fluides conducteurs via des champs magnétiques. Petit a démontré que la MHD pouvait supprimer les ondes de choc autour d’objets en déplacement rapide, comme des missiles. Ces travaux, réalisés avec des moyens rudimentaires, ouvraient la voie à des technologies hypersoniques révolutionnaires, tant pour les transports que pour la défense.
Dans les années 1970, la France était leader mondial en MHD. Pourtant, par manque de soutien et à cause de rivalités internes, ce potentiel a été abandonné. Jean-Pierre Petit déplore que ces recherches aient été récupérées par d’autres nations, notamment la Russie, qui les a intégrées dans ses systèmes d’armement modernes.
Une vision critique de la géopolitique et de l’humanité
Pour Petit, la guerre en Ukraine est une « catastrophe fabriquée », alimentée par des enjeux économiques et géopolitiques dépassant les populations concernées. Il dénonce l’inhumanité d’un conflit opposant des peuples souvent liés par des relations familiales, tout en condamnant l’attitude des puissances occidentales qui attisent les tensions.
Selon lui, le véritable enjeu de l’ordre mondial actuel réside dans la domination du dollar. Petit estime que les États-Unis, grâce à leur monnaie, imposent une inflation mondiale, et que la montée de nouvelles puissances (Chine, Russie, Inde) menace cet équilibre artificiel.
Une quête pour l’avenir
Petit exhorte les jeunes à ne pas se laisser brider par un système trop conservateur. « Ne soyez pas timides », répète-t-il, convaincu que l’avenir de la science appartient à ceux qui osent rêver grand.
Si Petit ne se fait pas d’illusions sur sa longévité, il souhaite que son modèle Janus et ses autres travaux continuent de nourrir la recherche, en France ou ailleurs. Il espère notamment démontrer la solidité mathématique de Janus pour réhabiliter ses idées face aux sceptiques.
Source : Magazine Nexus