Le problème des serpents venimeux au Japon
Pendant longtemps, les morsures du serpent venimeux Habu ont posé un grave problème dans plusieurs régions du Japon. En 1980, environ 400 personnes ont été mordues, et certaines n’ont pas survécu. Les Habu, ainsi que leurs cousins comme les vipères orientales, ont un lien avec les serpents à sonnette et les vipères mamushi, tous connus pour leur venin dangereux.
Le principal obstacle était que l’antidote contre ces morsures n’était pas toujours accessible. Dans les zones rurales, il était difficile de conserver l’antidote à cause des conditions de stockage inadéquates et de l’absence d’électricité. Face à cette situation, le Japon a imaginé une solution audacieuse : introduire un animal capable de tuer les serpents et qui serait immunisé contre leur venin.
L’introduction des mangoustes
En 1979, environ 30 mangoustes ont été introduites sur l’île d’Amami Oshima. Ces petits animaux, originaires de pays comme l’Inde et le Bangladesh, avaient pour mission de réduire la population de serpents et de rats. Toutefois, cette initiative a rapidement pris une tournure inattendue.
Les mangoustes, bien que réputées pour leur agilité et leur capacité à tuer des serpents venimeux, n’ont pas rempli leur rôle. Bien que leur résistance au venin du cobra leur aurait permis de combattre les Habu, les mangoustes étant actives le jour et les serpents la nuit, les deux animaux ne se rencontraient presque jamais. De plus, attraper un serpent demande plus d’effort qu’une proie plus facile, comme une souris ou un lapin.
Une population incontrôlée de mangoustes
En l’espace de quelques années, les mangoustes ont proliféré de manière incontrôlée. En 1993, leur population a atteint 10 000 individus, alors qu’elles n’avaient pas diminué la population de serpents comme prévu. Au contraire, elles ont commencé à chasser les espèces locales, notamment le lapin Amami, une espèce en voie de disparition.
Le ministère de l’Environnement japonais a sonné l’alarme, et un programme de réduction de la population de mangoustes a été lancé. Des pièges spécifiques ont été installés, ainsi que des appâts toxiques. Des équipes locales ont également participé activement à la chasse. En 2018, la dernière mangouste a été capturée, et aujourd’hui, on considère que la population de mangoustes a été éradiquée de l’île.
L’impact écologique des mangoustes
L’introduction des mangoustes, au départ vue comme une solution ingénieuse, a eu des conséquences désastreuses sur l’écosystème local. Les mangoustes ont contribué à la disparition de certaines espèces endémiques, comme le lapin des îles Amami et le rat Ryukyu, également en danger. Elles ont aussi affecté l’agriculture, dévorant des oiseaux et des fruits, tout en propageant des maladies.
Il a fallu 25 ans pour débarrasser l’île des mangoustes, mais l’impact sur l’écosystème a été irréparable. Les espèces locales n’étaient pas préparées à vivre avec de nouveaux prédateurs, et leur habitat a été sévèrement réduit. En seulement 20 ans, les petits animaux ont vu leur habitat diminuer de 40 %.
Répéter les erreurs du passé ?
L’exemple d’Amami Oshima devrait servir de leçon pour d’autres régions du Japon, comme Okinawa, où les mangoustes ont également été introduites il y a 70 ans. Les efforts pour limiter leur population s’y poursuivent. Cependant, leur taux de reproduction reste élevé en raison des conditions favorables sur cette île.
L’histoire d’Amami Oshima rappelle d’autres échecs similaires d’introduction de mangoustes dans le monde, notamment à Hawaï. Les mangoustes y avaient été amenées pour combattre les rats dans les plantations de canne à sucre. Mais tout comme au Japon, elles se sont montrées inefficaces contre les rats nocturnes et se sont attaquées aux espèces locales, provoquant des désastres écologiques.
Le cas des mangoustes dans le monde
Dans plusieurs régions du monde, les mangoustes ont été introduites avec l’idée de résoudre des problèmes d’invasions de rongeurs ou de serpents. À Cuba, en Croatie, en Jamaïque, ou encore en Haïti, ces animaux ont souvent eu un impact négatif. Par exemple, en Jamaïque, leur introduction a provoqué une épidémie de tiques après que les mangoustes ont décimé les populations d’oiseaux locaux, qui se nourrissaient d’insectes.
L’expérience japonaise montre qu’il est possible de maîtriser une population invasive si l’on agit assez tôt. La réussite d’Amami Oshima est unique en son genre, et elle pourrait servir de modèle pour d’autres pays confrontés à des problèmes similaires.
Cependant, cette victoire met en lumière les conséquences imprévues de l’introduction d’espèces étrangères, et montre combien il est difficile de corriger ces erreurs une fois commises.
Source : WATOP