En 2005, un phénomène géologique spectaculaire s’est produit en Afrique : une fissure gigantesque de 60 km s’est ouverte dans la région de l’Afar, en Éthiopie, marquant le début de la séparation du continent africain. Ce processus pourrait, dans plusieurs millions d’années, donner naissance à un nouvel océan. Ce phénomène, bien que lointain dans le temps, est une preuve tangible de l’évolution constante de notre planète.
Une fissure révélée par la science et les images
La fissure, connue sous le nom de « fissure de Dabbahu », a été révélée au monde grâce à une photographie prise par Anthony Philpot, professeur émérite de géologie à l’Université du Connecticut. Cette image, authentifiée par l’auteur lui-même, montre une rupture béante dans le sol, survenue après l’éruption du volcan Dabbahu en 2005. L’éruption, d’une puissance considérable, a projeté des flammes, des cendres et des gaz volcaniques, entraînant la mort de nombreux animaux domestiques : 700 chèvres, 200 chameaux et 70 ânes. Par chance, aucune perte humaine directe n’a été enregistrée, bien qu’un habitant ait été légèrement blessé.
Le rôle unique de la région de l’Afar
Située à l’intersection de trois plaques tectoniques – la plaque nubienne, la plaque somalienne et la plaque arabique – la région de l’Afar est un point clé de la tectonique terrestre. Ces plaques s’éloignent progressivement les unes des autres à une vitesse pouvant atteindre 20 mm par an, soit l’équivalent de la vitesse de croissance des ongles humains. Ce lent mouvement génère des fractures, appelées rifts, où la croûte terrestre s’amincit avant de se briser.
Le système de rift est-africain, qui s’étend sur environ 6000 km du golfe d’Aden jusqu’au Mozambique, est le plus grand rift continental au monde. Il se divise en deux branches principales : la branche orientale, qui traverse le Kenya, et la branche occidentale, qui s’étend le long des frontières de pays comme l’Ouganda, le Rwanda et la Tanzanie. C’est ici, dans le nord de ce système, que la fissure de Dabbahu illustre de façon spectaculaire l’ouverture de la croûte terrestre.
Un périple au cœur des volcans actifs
Pour explorer ce phénomène unique, Valy, un globe-trotteur et ancien directeur artistique, a entrepris un voyage vers l’Afar. Ce périple à travers des paysages volcaniques hostiles a été marqué par des températures extrêmes, atteignant parfois 50 °C. La zone, autrefois difficile d’accès, est désormais un peu plus praticable grâce à de nouvelles routes, bien que l’exploration reste périlleuse. Les visiteurs doivent naviguer dans des territoires désertiques et volcaniques où la nature est à la fois magnifique et impitoyable.
Sur place, Valy et son équipe ont pu découvrir comment les populations locales, principalement nomades, vivent en symbiose avec cet environnement. Les habitants utilisent, par exemple, des sources chaudes volcaniques pour accéder à l’eau dans cette région aride, une solution ingénieuse face au manque chronique de ressources hydriques.
Une région marquée par des défis humains
L’Afar est également le théâtre de défis humains et politiques importants. Les conflits ethniques et les guerres civiles ont ravagé la région, aggravant les conditions de vie déjà difficiles. Les habitants, souvent éleveurs de chèvres et de chameaux, font face à des sécheresses récurrentes et à des pénuries d’eau. Pourtant, ces peuples nomades préservent leur mode de vie ancestral, vivant dans des conditions qui défient l’imaginaire, tout en s’adaptant aux contraintes imposées par leur environnement.
Vers un nouvel océan
La fissure de Dabbahu symbolise le commencement d’un processus géologique qui, dans 5 à 10 millions d’années, pourrait transformer cette région en un nouvel océan. L’eau pourrait s’infiltrer et s’étendre à travers la région, reliant la mer Rouge et le golfe d’Aden. Ce phénomène est unique, car il offre aux scientifiques la possibilité de documenter pour la première fois dans l’histoire moderne la naissance d’un océan.
Cependant, certains chercheurs restent prudents : il est possible que les forces tectoniques actuelles ne soient pas suffisantes pour compléter la séparation du continent. Si cela se produit, le processus pourrait s’interrompre, laissant une vaste région marquée par des vallées et des failles sans aboutir à un océan.
Un lieu où tout change constamment
Au-delà de son intérêt scientifique, la région de l’Afar est une terre de transformation continue. Les paysages volcaniques, les fissures béantes et les populations résilientes rappellent que rien n’est permanent. Les habitants, avec leurs traditions uniques, cohabitent avec un environnement en constante évolution. Malgré les défis, cette région reste un témoignage vivant de la dynamique de la Terre, un endroit où l’impermanence est gravée dans le sol lui-même.