Dans une analyse percutante, Charles Gave explore les conséquences potentiellement dévastatrices des politiques monétaires actuelles, allant jusqu’à prédire un effondrement des grandes monnaies mondiales. Selon lui, l’économie moderne est marquée par une fragilité croissante, où la perte de souveraineté des États s’accompagne de transformations géopolitiques et démographiques inédites. Ce constat, appuyé par des exemples concrets et des comparaisons historiques, soulève des interrogations majeures sur l’avenir de l’économie mondiale.
Monnaie, croissance et souveraineté : un équilibre précaire
Charles Gave met en lumière le paradoxe qui consiste pour certains États à sacrifier leur monnaie nationale au profit d’une croissance économique de façade, compromettant ainsi leur souveraineté. Ce phénomène, bien que surprenant, reflète une réalité économique actuelle où la monnaie, autrefois symbole de stabilité et de pouvoir, est devenue un levier de croissance au détriment des citoyens les plus dépendants de son pouvoir d’achat.
Prenons l’exemple de la Turquie, où l’on observe une prospérité étonnante dans le secteur privé malgré une inflation galopante et une monnaie en déclin. Les commerçants et les employés du secteur privé turc enregistrent une croissance annuelle de 4 à 5 %, tandis que ceux dépendants de la monnaie nationale voient leur pouvoir d’achat s’effondrer. Cette situation souligne une dichotomie inquiétante entre les acteurs privés, qui semblent tirer parti de la faiblesse de la monnaie, et le reste de la population, qui en subit les effets dévastateurs.
Les cycles historiques : un modèle de prédiction des crises monétaires
Gave établit un parallèle avec les grandes périodes de transformation politique et monétaire pour expliquer la fragilité des économies contemporaines. À ses yeux, l’histoire est cyclique : à chaque changement majeur dans l’ordre politique mondial, certaines monnaies perdent leur valeur. Il cite les années 1790 avec la chute du franc, les années 1920 avec l’effondrement du mark allemand, ou encore les bouleversements post-1990 comme exemples de ces transformations qui emportent avec elles des monnaies autrefois puissantes.
Aujourd’hui, Gave estime que l’euro pourrait être la prochaine monnaie en danger, qualifiant cette devise de « Frankenstein financier ». Ce terme révèle sa conviction que l’euro, un montage complexe unissant des économies diverses, présente une vulnérabilité intrinsèque. La comparaison avec les guerres historiques éclaire son analyse : alors que les conflits anciens étaient motivés par le contrôle des ressources, les guerres économiques actuelles semblent viser les États eux-mêmes, fragilisant leurs monnaies sans forcément détruire le capital privé. Cela marque une rupture avec les modèles traditionnels où souveraineté territoriale et puissance économique étaient intimement liées.
L’atout des actifs décentralisés face aux crises centralisées
Un autre aspect essentiel du discours de Gave réside dans sa défense des actifs décentralisés, notamment l’or, comme remparts contre les turbulences économiques et politiques. Il compare la fragilité des actifs centralisés, tels que les obligations d’État, avec la stabilité relative de l’or et d’autres biens qui échappent aux manipulations monétaires des gouvernements. Cette vision s’inspire du modèle de portefeuille permanent d’Harry Browne, conçu pour offrir une stabilité financière durable en répartissant les investissements en quatre parties égales : actions, obligations, liquidités et or.
Ce modèle de « portefeuille permanent » se distingue par sa résilience face aux chocs économiques, assurant des rendements ajustés à l’inflation grâce à sa diversification. Gave souligne l’importance de détenir environ 25 % de son portefeuille en or pour résister aux pertes inévitables des obligations et des liquidités en cas de crise. Bien que cette proportion d’or semble élevée et puisse paraître contre-intuitive pour certains investisseurs, elle est selon lui indispensable pour sécuriser son capital.
Ce portefeuille a prouvé son efficacité sur plusieurs décennies, démontrant une stabilité relative, même lors de périodes d’inflation ou de crise. Dans une perspective plus large, Gave et ses collègues ont cherché à identifier un « invariant » dans l’investissement, une constante mathématique qui garantirait une stabilité maximale au portefeuille malgré les fluctuations économiques. Ce modèle, testé sur divers marchés mondiaux, révèle que la stabilité est renforcée par une allocation stratégique en or, ce qui souligne la pertinence des actifs décentralisés pour protéger le patrimoine face aux bouleversements monétaires.
Les défis démographiques et la transformation des conflits
Charles Gave aborde également la dimension démographique comme un facteur crucial dans les tensions économiques et sociétales actuelles. Avec le vieillissement des populations occidentales et l’augmentation des populations migrantes, il redoute que ces changements démographiques ne fragilisent davantage les sociétés européennes. Il prend pour exemple l’Italie, où un enfant est souvent le seul petit-enfant de ses quatre grands-parents, illustrant ainsi le très faible taux de natalité dans certaines régions. Cette situation change profondément les dynamiques sociales et, selon Gave, rend les conflits armés traditionnels moins probables, car les sociétés sont de moins en moins prêtes à accepter des pertes humaines massives.
Dans un passé marqué par une forte croissance démographique, les guerres servaient à mobiliser de vastes effectifs militaires et à renforcer la domination territoriale. Aujourd’hui, avec la réduction des familles, cette logique est remise en question. L’Europe fait face à une situation paradoxale où la démographie devient un enjeu de pouvoir, mais sous une forme différente, axée sur les tensions culturelles et économiques plutôt que sur les affrontements directs.
L’or et le Bitcoin : des alternatives pour préserver le capital
Enfin, Charles Gave insiste sur la nécessité de s’appuyer sur des actifs résilients pour affronter les crises économiques à venir. Outre l’or, qu’il recommande d’intégrer à hauteur de 25 % dans son portefeuille, il évoque également le Bitcoin comme un potentiel nouvel actif de réserve. Toutefois, il note que la volatilité du Bitcoin est encore un obstacle à son adoption généralisée. Tant que sa volatilité reste élevée par rapport à celle de l’or, le Bitcoin ne pourra pas être considéré comme un véritable refuge monétaire.
Gave propose d’allouer un faible pourcentage de Bitcoin dans un portefeuille diversifié, afin de tirer parti de la croissance potentielle de cette cryptomonnaie sans s’exposer à des risques excessifs. Il estime que le Bitcoin pourrait un jour stabiliser sa volatilité à un niveau comparable à celui de l’or, ce qui en ferait alors une alternative crédible pour les investisseurs cherchant à diversifier leurs avoirs. D’ici là, il recommande de rester prudent et de privilégier l’or, un actif dont la valeur est historiquement reconnue et qui continue de jouer un rôle stabilisateur en période de crise.
Conclusion
L’analyse de Charles Gave éclaire les défis profonds auxquels sont confrontées les économies modernes. Entre perte de souveraineté monétaire, changements démographiques et transformation des conflits, les enjeux sont nombreux et complexes. Dans ce contexte, Gave plaide pour un retour aux fondamentaux, avec une gestion patrimoniale axée sur la diversification et les actifs décentralisés. En privilégiant des valeurs sûres comme l’or et en restant attentif aux évolutions des nouvelles formes de monnaie, il propose une vision stratégique pour naviguer dans une ère d’incertitudes économiques et politiques.