Un État enfermé et impénétrable
La Corée du Nord est aujourd’hui le seul pays au monde où il est illégal pour tout citoyen de quitter le territoire sans autorisation préalable de l’État. Cette tentative constitue légalement une trahison selon le gouvernement nord-coréen. Si une personne est surprise en train de tenter de partir, elle risque une lourde peine de prison dans un camp de travail ou même l’exécution.
Même les déplacements à l’intérieur de la Corée du Nord sont strictement contrôlés par l’État, nécessitant des documents officiels et des permis pour se déplacer d’une province à une autre. La Corée du Nord est unanimement considérée comme ayant le pire bilan en matière de droits humains de la planète, sans pareil contemporain. Tous les hommes du pays sont contraints de servir au moins dix ans dans l’armée nord-coréenne, la liberté d’expression est inexistante, et les seuls fournisseurs de médias sont tous détenus par l’État.
La répression et l’isolement des citoyens
En 2017, Amnesty International estimait qu’il y avait environ 200 000 prisonniers politiques en Corée du Nord, souvent soumis à des travaux forcés, à la torture et à des exécutions sommaires. La simple relation avec une personne ayant commis un crime peut entraîner une condamnation à vie, comme le cas d’un enfant de deux ans emprisonné à vie en 2009 après que ses parents ont été trouvés en possession d’une Bible, une contrebande introduite illégalement dans le pays.
Tous les médias et contenus étrangers ont été strictement interdits en Corée du Nord depuis des décennies, avec diverses pénalités jusqu’à la réclusion à perpétuité et même la mort pour quiconque en introduirait, distribuerait ou consommerait. Le pays est également l’un des quatre derniers au monde à pratiquer des exécutions publiques de prisonniers aux côtés de l’Iran, de l’Arabie Saoudite et de la Somalie.
Un territoire cloisonné par la géographie et la politique
Depuis des décennies, la dynastie Kim s’est efforcée de transformer la Corée du Nord en une île de facto, isolée et séparée du reste du monde. À l’est et à l’ouest, cette séparation est géographiquement établie par la mer du Japon et la mer Jaune. S’évader par mer est extrêmement difficile, car les bateaux sont rares et la marine nord-coréenne patrouille régulièrement les côtes, surtout près du territoire sud-coréen.
Le long de la frontière sud de la Corée du Nord se trouve la zone démilitarisée (DMZ), une frontière extrêmement militarisée et gardée par des dizaines de milliers de soldats des deux côtés. Cette frontière est pratiquement impossible à franchir, car elle est parsemée de murs, de fossés et de barbelés, en plus d’environ 2 millions de mines terrestres. Plus de 750 000 soldats nord-coréens y sont déployés à moins de 100 km de la frontière, avec une force similaire du côté sud-coréen, renforcée par 20 à 30 000 soldats américains.
La Chine et la Russie : des portes désormais closes
Historiquement, la frontière nord avec la Chine et la Russie était la voie d’évasion la moins dangereuse, même si elle était encore extrêmement périlleuse. La frontière chinoise s’étend sur plus de 1 300 km le long des rivières Yalu et Tumen, traversant des montagnes et des forêts reculées. Pendant des années, cette frontière était peu surveillée, rendant plus facile le passage des contrebandiers et des défecteurs, notamment durant les mois d’hiver lorsque les rivières gelaient.
Toutefois, la Chine et la Russie ayant des accords d’extradition avec la Corée du Nord, les défecteurs capturés y étaient traités comme des immigrants illégaux et renvoyés en Corée du Nord, où ils faisaient face à l’emprisonnement ou à l’exécution. Pour ces fugitifs, l’objectif était d’atteindre des pays comme la Mongolie, la Thaïlande ou le Vietnam, qui les expulsaient vers la Corée du Sud.
Le début d’une répression accrue
Les années 1990 ont marqué une augmentation des désertions nord-coréennes avec l’effondrement de l’Union soviétique, principal soutien financier du régime. Privé de cette aide et de ses importations alimentaires, la Corée du Nord a souffert d’une famine massive, dont les estimations en victimes vont de 300 000 à 3,5 millions entre 1994 et 1998. Avec cette crise, les désertions ont explosé et les passeurs ont vu une opportunité d’affaires en important de la nourriture, des médicaments, mais aussi des films et des livres interdits.
En 2009, 2914 Nord-Coréens ont réussi à se réfugier en Corée du Sud, un record depuis la guerre de Corée. Cependant, l’accession au pouvoir de Kim Jong-un en 2011 a marqué un tournant avec une répression accrue des évasions et contrebande.
Des frontières plus strictes et une surveillance plus rigoureuse
Sous Kim Jong-un, des « brouilleurs de signal » ont été installés le long des frontières nord, bloquant les communications cellulaires et par satellite. La Chine et la Russie ont également renforcé leur surveillance et ont resserré les accords d’extradition. En 2020, avec l’apparition de la pandémie de Covid-19, la Corée du Nord a été le premier pays à sceller complètement ses frontières, interdisant quasiment tous les voyages et le commerce extérieur pour empêcher l’entrée du virus.
Ces mesures de confinement ont été utilisées comme prétexte pour renforcer l’isolation de la société nord-coréenne. Des zones tampon ont été établies le long des frontières nord avec des ordres de tir à vue pour les soldats.
Les nouvelles fortifications et lois draconiennes
Depuis 2020, des centaines de kilomètres de nouveaux murs, barbelés et postes de garde ont été érigés le long des frontières nord, fermant quasiment toutes les routes de montagne utilisées par les défecteurs. En même temps, la Corée du Nord a adopté la loi sur la « réjection de l’idéologie et de la culture réactionnaire » en décembre 2020, criminalisant intensivement la réception de biens ou d’informations étrangères et interdisant les téléphones non approuvés par le gouvernement.
Cette loi peut punir de mort ceux qui distribuent des films ou des livres étrangers en public, tandis que regarder ou lire ces contenus peut valoir une peine de dix ans de travaux forcés. Ainsi, les contenus étrangers, autrefois introduits secrètement depuis la Chine sur des cartes micro SD, ont pratiquement cessé d’entrer dans le pays.
Un confinement numérique total
Dans le cadre d’une transformation visant à isoler numériquement la Corée du Nord, les téléphones autorisés par l’État ne peuvent se connecter à l’internet global ni effectuer des appels internationaux. Ces appareils disposent de logiciels approuvés par l’État, bloquant tous les fichiers étrangers et prenant des captures d’écran aléatoires du contenu utilisé. Les inspections des téléphones par la police sont obligatoires.
Avant, les téléphones étrangers introduits en contrebande permettaient des appels internationaux, un lien essentiel pour les familles nord-coréennes voulant vérifier le sort de leurs proches évadés, mais ce chemin semble désormais en grande partie fermé. Les tarifs toujours plus élevés des passeurs ont atteint 21 000 dollars par défection en 2021, une somme inaccessible pour la majorité des Nord-Coréens.
Une crise humanitaire sans précédent
Les niveaux de malnutrition en Corée du Nord sont parmi les plus élevés au monde, avec environ 42 % de la population touchée. Officiellement, en 2022, la Corée du Nord n’a signalé que 74 décès dus au Covid-19, mais des sources anonymes rapportent une situation bien pire, avec environ un décès sur 550 à Pyongyang, ce qui suggèrerait un total potentiel de 45 000 décès dans tout le pays.
Avec la pandémie, la Corée du Nord a refusé de reprendre les défecteurs détenus en Chine, laissant potentiellement jusqu’à 1000 personnes dans un situation d’incertitude. Ces mesures combinées à une politique de confinement rigoureuse ont fait de la Corée du Nord le pays le plus isolé et fermé à ce jour, un véritable trou noir sur la carte mondiale d’où il est quasi impossible de sortir ou d’introduire quoi que ce soit.