Dans une discussion captivante entre Idriss Aberkane et Jean-Pierre Petit, astrophysicien et spécialiste de la magnétohydrodynamique (MHD), plusieurs points fascinants sur l’avance technologique de la Russie, notamment dans le domaine des armes hypersoniques et de l’aéronautique, ont été abordés. Cette avance est en grande partie due à la maîtrise de technologies de pointe telles que la MHD, longtemps ignorée en Occident, mais intégrée avec succès par les Russes dans divers systèmes militaires.
Les armes hypersoniques russes : Une domination stratégique
Les armes hypersoniques, telles que les missiles Kinjal et les systèmes hypersoniques iraniens basés sur la technologie russe, ont bouleversé l’équilibre militaire aussi bien en Europe qu’au Moyen-Orient. Jean-Pierre Petit souligne que ces missiles, capables de voler à des vitesses incroyables, ne peuvent fonctionner correctement qu’en stabilisant des instabilités électrothermiques complexes, un domaine qu’il a lui-même étudié dans les années 1980.
La stabilisation électrothermique : Un secret bien gardé
Les armes hypersoniques russes, qu’il s’agisse de missiles ou d’avions, utilisent des technologies avancées de stabilisation des flux d’air à haute vitesse, comme l’explique Jean-Pierre Petit. Ces systèmes reposent sur la stabilisation des « instabilités de Velikov », une découverte théorique qui permet de rendre les flux de gaz conducteurs d’électricité stables. Alors que la France et d’autres pays occidentaux n’ont pas pris ces recherches au sérieux, les Russes ont suivi ces travaux de près et les ont intégrés à leurs programmes militaires.
Par exemple, le missile hypersonique Kinjal est un engin impressionnant. Bien que les images du missile montrées au public ne soient pas totalement fiables, certains faits, comme les tests réussis de missiles hypersoniques russes depuis 2018, sont avérés. Jean-Pierre Petit mentionne qu’après le lancement, ces missiles éjectent leur coiffe, révélant leur véritable forme tronquée et non pointue, nécessaire pour leur système MHD.
Le Mig 41 : L’avion hypersonique du futur
L’un des projets les plus ambitieux de la Russie est le développement du Mig 41, un avion hypersonique supposé capable d’atteindre des vitesses et des altitudes encore jamais atteintes. Jean-Pierre Petit exprime sa prudence quant aux images et informations disponibles sur cet avion, estimant que les Russes ne montrent pas encore tous les détails. Le Mig 41 pourrait être conçu pour opérer à des altitudes de 40 à 50 kilomètres, où la densité de l’air est extrêmement faible, permettant des vitesses de croisière de plusieurs fois la vitesse du son.
L’aspect technique de cet avion repose en grande partie sur la MHD, qui permettrait de stabiliser les flux d’air et de réduire considérablement la résistance aérodynamique, rendant ainsi l’avion plus rapide et plus maniable. Cette technologie pourrait également le rendre furtif en absorbant certaines fréquences d’ondes radar, un atout stratégique majeur.
Les applications de la MHD dans l’aviation et la défense
La propulsion par magnétohydrodynamique (MHD)
La MHD, technologie permettant de contrôler les fluides ionisés en utilisant des champs magnétiques et électriques, est au cœur des innovations russes. Jean-Pierre Petit décrit comment cette technologie, déjà testée dans des missiles et des sous-marins, pourrait révolutionner la propulsion aérienne et maritime. Par exemple, la MHD permettrait de propulser un sous-marin ou un missile sans utiliser d’hélices, éliminant ainsi les bruits et les turbulences générées par les systèmes traditionnels.
Dans le cadre des avions hypersoniques, la MHD pourrait stabiliser les flux d’air autour de l’avion, réduisant la traînée et améliorant les performances aérodynamiques. Jean-Pierre Petit explique que dans des avions comme le Concorde, qui volait à une altitude de 20 000 mètres, la traînée de l’air et la chaleur générée par le frottement limitaient les performances. Cependant, avec un système MHD, un avion pourrait atteindre des altitudes bien plus élevées et réduire la chaleur produite par l’onde de choc.
Avantages en termes de furtivité et de maniabilité
L’un des grands avantages des systèmes MHD est leur potentiel à rendre les appareils plus difficiles à détecter. Petit mentionne que la coquille de plasma générée par la MHD autour d’un missile ou d’un avion pourrait absorber les ondes radar, rendant ces appareils quasiment invisibles. Cette technologie pourrait être plus efficace que les revêtements furtifs traditionnels et offrir une protection supplémentaire contre les systèmes de défense ennemis.
En plus de la furtivité, la MHD confère une maniabilité sans précédent aux engins hypersoniques. Contrairement aux ogives traditionnelles qui suivent une trajectoire fixe, les missiles utilisant la MHD peuvent changer de direction brusquement, rendant leur interception presque impossible. Un missile MHD pourrait, par exemple, effectuer un virage à 90 degrés à des vitesses hypersoniques, ce qui serait impensable avec les systèmes de propulsion actuels.
Le pragmatisme russe dans l’ingénierie
Jean-Pierre Petit souligne à plusieurs reprises l’ingéniosité des Russes dans la conception de leurs armes. Contrairement à l’approche occidentale, qui privilégie souvent la complexité, les Russes optent pour des solutions simples mais efficaces. Il raconte une anecdote où il visite une installation russe de production d’électricité par réacteur à poudre. Malgré leur aspect rudimentaire, ces installations sont capables de générer des dizaines de mégawatts d’électricité en utilisant des technologies MHD avancées.
Cette approche pragmatique se reflète aussi dans la conception des missiles et avions. Alors que les pays occidentaux investissent des milliards dans des systèmes complexes, les Russes parviennent à atteindre des résultats similaires avec des ressources plus limitées, mais une meilleure maîtrise de concepts fondamentaux comme la MHD. Cette simplicité, combinée à un savoir-faire technique impressionnant, leur permet de maintenir leur avance dans certains domaines.
Applications civiles potentielles de la MHD
Si la MHD est largement utilisée dans le domaine militaire, ses applications civiles ne sont pas à négliger. Jean-Pierre Petit évoque la possibilité d’utiliser cette technologie dans la production d’électricité, notamment pour la fusion nucléaire. Par exemple, les réacteurs MHD pourraient générer de l’électricité en utilisant des gaz ionisés à haute température comme source d’énergie.
Les réacteurs à fusion actuels, comme le projet ITER, reposent sur des champs magnétiques de faible intensité pour confiner le plasma. Cependant, la MHD pourrait permettre d’atteindre des températures et des pressions bien plus élevées, rendant ces réacteurs beaucoup plus efficaces. Petit mentionne également la possibilité de créer des générateurs à auto-excitation, qui utiliseraient les gaz produits par des réacteurs à poudre pour générer de grandes quantités d’électricité avec des installations relativement simples.
Source : Idriss J. Aberkane