Christine Deviers-Joncour, une des figures centrales de l’affaire des frégates de Taïwan, a livré un témoignage saisissant lors d’un entretien exclusif avec le magazine Nexus. Ancienne chargée de relations publiques pour le groupe Elf-Aquitaine et le ministère des Affaires étrangères, elle a traversé les cercles de pouvoir où magouilles politico-financières, pressions et menaces règnent en maîtres. Elle revient sur cette période de sa vie, marquée par des révélations explosives, une répression judiciaire acharnée et une quête de vérité solitaire.
L’affaire des frégates de Taïwan : un scandale hors norme
L’affaire des frégates de Taïwan, éclatée dans les années 1990, a exposé des pratiques de corruption d’une ampleur inédite. Christine Deviers-Joncour qualifie ce dossier de « plus grand scandale politico-financier de la Ve République ». À travers des contrats d’armement avec Taïwan, des milliards ont été détournés via des rétrocommissions, impliquant des personnalités influentes et des structures d’État. Elle souligne que ces mécanismes étaient bien connus mais protégés par des réseaux intouchables.
Selon le magistrat Jean Van Ruymbeke, qui a enquêté sur cette affaire, l’affaire des frégates de Taïwan est non seulement l’une des plus coûteuses pour la République mais aussi la plus meurtrière. « Il y a eu 20 morts, et pourtant aucune tête importante n’est tombée », déclare Christine Deviers-Joncour, rappelant que des témoins clés ont disparu dans des circonstances troublantes. Parmi eux, son ancien patron Alfred Sirven, dont elle affirme qu’il a été assassiné pour éviter qu’il ne livre des noms compromettants.
Une justice instrumentalisée : le destin brisé d’un fusible
Accusée d’être un des maillons faibles permettant d’atteindre Roland Dumas, alors ministre des Affaires étrangères, Christine Deviers-Joncour a été arrêtée et incarcérée en 1994 à Fleury-Mérogis. Elle décrit cette période comme un calvaire, où les méthodes judiciaires étaient utilisées pour la faire craquer : « J’ai perdu 20 kilos en trois semaines. On me sortait de ma cellule tous les jours, on m’empêchait de dormir, on tapait à ma porte la nuit pour me maintenir éveillée. »
Elle dénonce également les propositions qu’on lui a faites pour trahir ses relations : « On m’a dit : ‘Si vous donnez Roland Dumas, vous rentrez chez vous ce soir.’ Mais je n’ai donné aucun nom. » Elle se rappelle le jour où un enquêteur, résigné, lui a dit : « Quand on tombe sur une pauvre comme vous, on se régale. Les vrais responsables, eux, sont intouchables. »
Corruption généralisée : des anecdotes édifiantes
Christine Deviers-Joncour dresse un tableau accablant de la corruption systémique qu’elle a observée dans ses fonctions. Elle raconte notamment des pratiques de distribution de liquidités pour s’assurer la fidélité de politiques ou de partenaires. Une scène marquante implique Alfred Sirven, numéro deux d’Elf, ouvrant le coffre de sa voiture rempli de billets et lui demandant : « Tu as besoin de combien pour t’installer ? »
Elle évoque aussi une découverte faite par Loïk Le Floch-Prigent, PDG d’Elf, qui en entrant dans ses fonctions a trouvé un compte avec une somme colossale attribuée à une personne inconnue et non employée par l’entreprise. Lorsqu’il a voulu enquêter, on lui a interdit de toucher à ce compte.
D’autres exemples révèlent des pratiques absurdes, comme la rémunération continue d’héritiers de collaborateurs décédés ou encore des dépenses somptuaires couvertes par des fonds détournés. « La corruption allait jusqu’à des niveaux inimaginables », résume-t-elle.
Un héritage historique et spirituel en crise
Christine Deviers-Joncour voit dans la Révolution de 1789 un tournant qui a marqué la destruction des fondements spirituels et sociaux de la France. « Couper la tête d’un roi, dans un pays chrétien, c’est s’attirer les pires ennuis », estime-t-elle, attribuant à cet événement l’origine de la dérive actuelle de la République.
Elle déplore que la laïcisation du pays ait conduit à l’effondrement de la spiritualité, qu’elle considère comme un socle indispensable à une société saine. « Dans un pays sans religion, sans repères spirituels, l’effondrement est inévitable », insiste-t-elle.
Les élites, l’Europe et le rôle des banques
Critique envers l’Union européenne, Christine Deviers-Joncour voit dans cette structure un instrument de domination, contrôlé par des intérêts financiers et politiques étrangers. Elle rappelle notamment le référendum de 2005, où les Français avaient rejeté la Constitution européenne, mais dont le résultat a été contourné par le traité de Lisbonne. « L’Europe, ce sont des banques, des puissants, et des élites qui agissent contre les peuples », dénonce-t-elle.
Elle accuse également les États-Unis et ce qu’elle appelle le « Deep State américain » de maintenir l’Europe sous tutelle économique et stratégique. « Nous sommes une colonie de l’Europe et des Américains. La souveraineté de la France est un souvenir. »
Une lutte solitaire contre un système impitoyable
Face à l’acharnement qu’elle a subi, Christine Deviers-Joncour n’a jamais cessé de se battre. Elle a écrit plusieurs livres, donné des interviews et dénoncé publiquement la corruption qui gangrène les hautes sphères de l’État. Cette visibilité, qu’elle qualifie de protection relative, n’a pas suffi à empêcher les menaces : « J’ai vécu cinq ans sous gilet pare-balles. On me disait de choisir les clous de mon cercueil. »
Elle se considère aujourd’hui comme marginalisée et censurée en France. Ses ouvrages récents sont publiés en Tunisie, les éditeurs français refusant de les imprimer. « Je suis classée troisième complotiste sur Conspiracy Watch. C’est ma Légion d’honneur », ironise-t-elle.
Un appel au renouveau : passer à une nouvelle ère
Malgré les épreuves, Christine Deviers-Joncour reste convaincue que la fin d’un cycle approche. Elle rêve d’un « grand nettoyage » politique et institutionnel pour tourner la page de la Ve République, qu’elle qualifie d’irréparable. Elle appelle à une France souveraine et débarrassée de la mainmise des puissances étrangères et des réseaux corrompus. « La Bête est en train de mourir. Ce sera difficile, mais au bout du chemin, il y aura la lumière. »
Pour elle, les récents mouvements de contestation en France et dans le monde sont des signes encourageants. Elle espère vivre assez longtemps pour voir la fin de ce système qu’elle combat depuis des décennies. « Je veux voir la lumière, même un peu. »
Source : Magazine Nexus