En 2017, Emmanuel Macron, fraîchement élu Président de la République, lançait son projet ambitieux de transformer la France en une start-up nation. Ce concept promettait une économie renouvelée, portée par des entreprises technologiques capables de rivaliser avec les géants internationaux. Sept ans plus tard, les résultats peinent à convaincre. Derrière les promesses de croissance et d’innovation, la réalité dévoile des failles structurelles, des coûts exorbitants et des bénéfices bien en deçà des attentes. Retour sur une vision qui s’effondre.
La start-up : entre rêve technologique et réalité économique
Un modèle prometteur
La start-up, par essence, est une jeune entreprise portée par une idée innovante et un potentiel de croissance impressionnant. Elle incarne une vision d’avenir, capable de transformer un marché entier et de stimuler l’économie d’un pays. Emmanuel Macron en a fait le fer de lance de sa politique économique, vantant un modèle censé répondre aux défis de la compétitivité mondiale et de la réindustrialisation.
Un soutien massif de l’État
Pour concrétiser cette vision, le gouvernement a investi massivement. En 2017, le programme French Tech était doté de 200 millions d’euros pour accompagner les jeunes entreprises prometteuses. Le plan Deeptech de 2019 a porté cette ambition à un tout autre niveau, avec 2,5 milliards d’euros pour la création de start-ups innovantes. En 2021, le plan France 2030, financé à hauteur de 54 milliards d’euros, consacrait près de la moitié de cette enveloppe à ces acteurs émergents.
Quelques succès notables
Des entreprises comme Doctolib et Back Market illustrent les succès possibles de ce modèle. Doctolib, créée en 2013, a atteint une valorisation de près de 6 milliards d’euros en l’espace de dix ans. Back Market, spécialisé dans le reconditionnement de produits électroniques, pèse 5,7 milliards d’euros. Ces réussites restent cependant l’exception plutôt que la règle.
Un bilan qui déçoit
Objectifs non atteints
En 2024, la France ne compte que 13 licornes, bien loin des 25 promises pour 2025. Cet échec s’explique par une combinaison de facteurs : des contraintes budgétaires croissantes, une faible rentabilité des entreprises et une dépendance excessive aux fonds publics.
Des entreprises peu rentables
Si quelques start-ups parviennent à équilibrer leurs comptes, deux tiers d’entre elles sont déficitaires, affichant des pertes moyennes de 16,5 % de leur chiffre d’affaires en 2023. Cela pose un problème majeur pour l’État, qui voit ses investissements publics se solder par des rentrées fiscales quasi nulles.
Des coûts exorbitants pour des échecs fréquents
Créer une start-up est un processus coûteux, nécessitant des investissements massifs pour la recherche, le développement, le recrutement et les infrastructures. Cependant, le taux d’échec reste élevé : 75 % des start-ups échouent entre leur 3ᵉ et leur 5ᵉ année. Ces échecs, souvent dus à un manque de marché ou à une mauvaise idée initiale, sont perçus comme un gaspillage des ressources publiques.
Les limites structurelles du modèle français
Un modèle importé des États-Unis
La start-up nation s’inspire directement du modèle américain, mais les différences entre les deux contextes sont flagrantes. Aux États-Unis, les start-ups bénéficient de fonds d’investissement massifs, de réglementations souples et d’un marché vaste et dynamique. En France, au contraire, le droit du travail rigide, les lourdeurs administratives et un marché réduit freinent leur développement.
Une concurrence internationale écrasante
Les États-Unis dominent le secteur grâce à leur avance technologique et à des investissements massifs. En 2023, ils étaient responsables de 45,5 % des brevets mondiaux. La Chine, elle aussi, a fortement soutenu ses start-ups, mais la crise économique mondiale a ralenti leur croissance depuis 2022.
Des investisseurs de plus en plus frileux
La crise économique, marquée par l’inflation et la hausse des taux d’intérêt, a rendu le financement des start-ups plus difficile. Les investisseurs se montrent désormais prudents, privilégiant les projets moins risqués comme les technologies vertes. En France, cela se traduit par une augmentation des faillites : près de 10 start-ups ferment chaque mois.
Les dérives d’un système à bout de souffle
Des gagnants inattendus
Si la majorité des start-ups peinent à survivre, une minorité d’acteurs tire profit de ce système. Les actionnaires et cadres dirigeants des start-ups les plus prometteuses bénéficient d’aides publiques considérables avant de revendre leurs entreprises à des multinationales. Des exemples comme Drivy, racheté par des Américains, ou Zenly, acquis par Snapchat, traduisent une logique purement mercantile, éloignée des ambitions de réindustrialisation et de création d’emplois.
Le scandale BPI France
La Banque publique d’investissement (BPI France), principal organe de financement des start-ups, a été impliquée dans des affaires de prise illégale d’intérêts. En 2020, 200 collaborateurs auraient tiré parti de nouveaux produits financiers pour s’enrichir rapidement, exposant une gestion opaque et critiquable des fonds publics.
Un écosystème fragilisé par la crise mondiale
Depuis 2022, les crises économiques et les changements dans les politiques d’investissement ont affaibli l’écosystème des start-ups. Partout dans le monde, les investisseurs se détournent des projets à haut risque, et la France ne fait pas exception. Avec une diminution drastique des levées de fonds et des faillites en série, le rêve de la start-up nation semble s’éloigner.
Source : MoneyRadar