Alexandre Dianine-Havard, d’origine française, russe et géorgienne, a exercé le métier d’avocat avant de se consacrer à l’enseignement du leadership vertueux. Dans cette interview menée par Henri-Michel Thalamy, Alexandre Havard nous partage une vision forte et saisissante des enjeux actuels, en abordant des thèmes tels que la liberté du cœur, l’impact des idéologies, la conscience et l’importance des choix personnels dans un monde en pleine radicalisation.
La liberté du cœur : une liberté supérieure
Alexandre Havard introduit le concept de la « liberté du cœur », qu’il considère comme une liberté supérieure à la liberté de volonté. Pour lui, la véritable liberté ne se limite pas à la capacité de faire des choix rationnels entre différentes options (liberté de volonté), mais réside dans la faculté de percevoir et de répondre aux valeurs transcendantes telles que le Beau, le Bien et le Vrai.
Il souligne que beaucoup de gens ont perdu cette capacité et vivent principalement selon l’intelligence et la volonté, oubliant l’importance du cœur. Selon Havard, le cœur est en interaction constante avec l’intelligence et la volonté, et sa formation passe par l’expérience de la grandeur dans les réalités ordinaires de la vie.
Les vérités du cœur versus les vérités rationnelles
Havard affirme que les vérités intuitives du cœur sont souvent plus certaines et fondamentales que les vérités rationnelles. Il donne l’exemple de la croyance en l’immortalité de l’âme et en l’éternité, des intuitions profondes ayant un impact énorme sur notre comportement et notre vision du monde.
Cette capacité à percevoir et répondre aux vérités du cœur est essentielle à notre croissance personnelle et à notre bonheur, davantage que les vérités démontrables par la raison seule.
L’enterrement du cœur par l’idéologie
Selon Havard, notre civilisation a « enterré le cœur » car elle ne connaît de loyauté que dans la soumission aux slogans idéologiques. Il met en garde contre les dangers des idéologies modernes, qui sont des volontarismes purs et durs excluant le cœur et l’intelligence.
Havard raconte l’histoire de sa cousine russe pour illustrer comment des personnes de bonne volonté peuvent devenir des « monstres » en donnant leur cœur à des idéologies. Il considère les partisans généreux mais imprudents vis-à-vis des idéologies comme des grandes victimes, car ils se dirigent vers leur propre autodestruction.
Vivre selon sa conscience : un acte héroïque
Havard discute de l’importance de la conscience, qu’il distingue du cœur. La conscience est la voix de Dieu dans notre intelligence, et écouter cette voix avant de suivre son cœur est primordial. Vivre selon sa conscience est un acte de véritable héroïsme, surtout dans un contexte de totalitarisme idéologique croissant.
Il cite des exemples historiques comme Thomas More et des contemporains comme Viktor Frankl pour illustrer la nécessité de faire des choix radicaux face à la pression totalitaire.
La souffrance comme instrument de formation du cœur
Pour Havard, la souffrance est un mystère et un instrument privilégié pour former le cœur, à condition que celui-ci soit suffisamment humble et mature pour en tirer profit. Il cite l’exemple d’Andrei et Natasha dans « Guerre et Paix » de Tolstoï, qui deviennent de meilleures personnes grâce à la souffrance.
Il explique que certaines personnes réagissent mal à la souffrance tandis que d’autres y trouvent une opportunité de croissance. Il rappelle que la souffrance n’est pas un mal en soi, mais peut, au contraire, permettre une véritable transformation personnelle.
Les cultures occidentale et orientale : différences et complémentarités
Havard examine les distinctions entre les cultures occidentale et orientale, en se référant à Pyotr Tchaadaev et Nikolaï Berdyaev. Il décrit l’Occident comme plus rationnel et entreprenant, tandis que l’Orient, notamment la Russie, est plus intuitif et mystique.
Il évoque la complémentarité entre ces deux cultures, nécessaires pour équilibrer la civilisation humaine. La rationalité occidentale sans l’intuition orientale devient un rationalisme stérile, alors que l’intuition sans logique peut tomber dans l’ésotérisme.
La nécessité de cultiver nos racines
Havard se dit profondément enraciné dans sa triple culture française, russe et géorgienne, et souligne l’importance de comprendre et de respecter ses origines pour se développer harmonieusement. Il évoque la transmission des valeurs et des expériences de ses grands-parents, qui ont vécu les tragédies du XXe siècle, comme une source de force et de stabilité intérieure.
Il critique l’idée erronée selon laquelle l’absence de racines rendrait les gens plus libres, rappelant au contraire que les racines offrent une véritable sécurité et permettent d’affronter les défis du présent et de l’avenir avec confiance.
Le danger de la culture hédoniste
Havard critique la culture contemporaine de l’hédonisme, qui mène à une réduction du cœur humain. Il considère que l’obsession pour les plaisirs réduit la grandeur et la générosité de notre cœur, nous rendant de plus en plus petits et centrés sur nous-mêmes.
Il fait référence au roman « Le Portrait de Dorian Gray » pour illustrer comment la quête du plaisir mène à une vieillesse prématurée et comment l’accent mis sur le plaisir tue la grandeur d’âme.
Les orientations fondamentales de l’existence se forgent dès l’enfance
Havard insiste sur l’importance des premières années de la vie pour établir les fondations de la personnalité. Il explique que le cœur se développe avant l’intelligence et la volonté, et que les orientations vitales majeures sont souvent déterminées très tôt.
Il met en avant la nécessité d’une éducation qui développe non seulement l’intelligence, mais aussi la pratique de la sagesse et des vertus pour éviter de tomber dans une éthique de règles rigides.
Les méfaits de l’égalitarisme
Havard met en garde contre l’égalitarisme, qu’il considère comme dangereux et trompeur. Bien que nous soyons tous égaux en dignité, nous ne le sommes pas en talents et en ressources. Il souligne que l’effort d’égaliser tout le monde mène inévitablement à la violence et au totalitarisme.
Il critique l’idée de « liberté, égalité » comme étant logiquement et philosophiquement absurde, car une véritable liberté implique une inégalité naturelle entre les individus.
La radicalisation du monde et les choix personnels
Havard conclut en affirmant que le monde se radicalise et que les crises actuelles ne sont qu’un reflet de ce qui est à venir. Face à cela, chacun doit faire des choix personnels radicaux : devenir un saint ou un cochon, selon l’expression de Viktor Frankl. Il rappelle que ce ne sont pas les circonstances qui déterminent ce que l’on devient, mais les choix personnels que l’on fait.
Il invite chacun à réfléchir sur sa situation, à agir selon sa conscience et ses vertus pour utiliser les crises comme des occasions de croissance personnelle. Dans un monde de plus en plus semblable à un camp de concentration, il est essentiel de rester ferme dans ses décisions et ses valeurs.
Sources :
Actualité d’Alexandre Havard
Henri-Michel Thalamy
Epoch Times France