Au début des années 2000, les développeurs immobiliers ont vu une opportunité majeure dans la création de terres artificielles au large de Dubaï. Le boom immobilier dans l’émirat semblait irrésistible et la demande pour les propriétés côtières a explosé. Dubaï ayant déjà aménagé la majorité de ses côtes, Nakheel Properties, une compagnie immobilière détenue par le gouvernement de Dubaï, a planifié une modification radicale de la région en l’espace de seulement deux décennies.
Des projets d’envergure
La société avait prévu trois groupes d’îles ayant la forme de palmiers vues depuis l’espace : Palm Jumeirah, Palm Jebel Ali et Palm Deira, la plus grande des trois. En plus de ces projets, « The World » a également été dévoilé.
Plusieurs zones étaient prévues, allant des larges propriétés individuelles aux complexes résidentiels de grande capacité avec des îles dédiées au commerce. Une seconde phase devait agrandir « The World » avec un projet encore plus ambitieux : The Universe, des îles représentant le Soleil, la Lune, les planètes du système solaire, la Voie Lactée et une galaxie lointaine.
Près de Palm Jebel Ali, un autre vaste projet devait voir le jour : le Dubaï Waterfront, avec des îles formant une étoile et un croissant, symboles importants dans l’islam. Ce projet devait être la plus grande construction jamais réalisée par l’homme.
Avec ces multiples projets, presque toute la côte de Dubaï aurait été réaménagée, encadrée par les émirats d’Abou Dabi d’un côté et de Charjah de l’autre. Les îles artificielles étaient perçues comme des ouvrages de prestige devant transformer Dubaï en un pôle touristique de premier plan, créant de nouvelles sources de revenus pour un pays dépendant principalement de l’exploitation du pétrole.
Palm Jumeirah : un succès mitigé
En 2001, Nakheel Properties a commencé la construction de Palm Jumeirah, qui devait doubler la longueur des côtes de Dubaï. Les îles furent achevées en 2006 et les premiers logements attribués. Les branches du palmier abritaient principalement des maisons individuelles tandis que des hôtels de luxe étaient construits sur le brise-lames circulaire censé protéger le palmier des tempêtes.
En septembre 2008, l’hôtel Atlantis a célébré son inauguration sur Palm Jumeirah avec un impressionnant feu d’artifice, mais cette fête éclatante ne pouvait pas masquer l’effet de la crise financière internationale qui commençait à se sentir à Dubaï.
L’impact de la crise financière de 2008
La crise financière mondiale a durement frappé Dubaï, en particulier le secteur immobilier. Les méga-projets, en particulier les îles artificielles, ont été menacés d’annulation. Le développement de Palm Jebel Ali s’est arrêté en raison de la chute de la demande et des prix des terrains. En 2011, Nakheel Properties a proposé de rembourser les investisseurs et le projet a été suspendu. Palm Deira a également été affecté, et en 2013, sa taille a été réduite et le projet renommé Deira Islands.
The World : entre ambitions et réalités
The World était presque terminé avec la majorité des îles vendues avant la crise financière. Cependant, beaucoup d’acheteurs ont été affectés par la crise, et de nombreux lots sont restés non développés. Dix ans après son lancement, The World ne semblait plus dans l’air du temps. Des problèmes de durabilité sont apparus, avec l’ensablement des chenaux et la montée des océans représentant un risque croissant.
Les critiques se sont aussi concentrées sur l’impact environnemental. La construction des îles a perturbé l’écosystème marin local, et les îles de Palm Jumeirah ont été critiquées pour la mauvaise qualité de l’eau due à la stagnation causée par le brise-lames.
Un futur incertain pour les autres projets
Le Dubaï Waterfront et Palm Deira sont aussi en suspens. Deira Islands a vu sa conception changer pour tenter de sauver le projet. Un centre commercial, deux gratte-ciels et une avenue commerçante sont actuellement en construction. Pour The World, une seule île a été entièrement développée pour servir de maison témoin, et Lebanon Island accueille un club de plage pour les touristes.
En 2014, un promoteur autrichien a annoncé le projet « The Heart of Europe » sur plusieurs îles formant l’Europe, avec des hôtels de luxe inspirés de Venise et de Monaco, ainsi qu’un espace enneigé artificiellement sur Swiss Island. Le succès économique de ce projet reste à voir.
Les défis environnementaux et sociaux
Les impacts environnementaux des îles artificielles ont suscité de vives critiques. L’accumulation de sable a perturbé les écosystèmes marins, et la stabilisation des sols côtiers reste une question. De plus, la montée des océans accroît les risques pour ces îles construites à faible altitude.
Les conditions de vie difficiles des travailleurs migrants à Dubaï attirent également une attention croissante. Bien que certains projets mettent désormais l’accent sur la durabilité et le respect de l’environnement, la promotion devient plus complexe pour des initiatives perçues comme environnementalement nuisibles.
Un rêve ambitieux concurrencé par les réalités
Les projets d’envergure visent souvent à transcender la rentabilité, créant des flux touristiques significatifs et stimulant ainsi l’économie locale. Ils peuvent aussi symboliser la fierté nationale ou inaugurer une nouvelle ère avec des procédés innovants ou des records mondiaux.
Mais on peut légitimement se demander comment ces projets qui ont profondément transformé le littoral de Dubaï seront perçus à long terme. Alors que la croissance de Dubaï ralentit, l’ambitieux rêve de bâtir cette ville restera-t-il simplement un rêve ou deviendra-t-il réalité?
Source : neo