Dans une entrevue exceptionnelle menée par André Bercoff, Dieudonné M’Bala M’Bala revient sans détour sur son parcours mouvementé, marqué par de nombreuses controverses, tout en partageant ses réflexions personnelles sur la liberté d’expression, la provocation humoristique et son évolution personnelle.
Dieudonné évoque d’abord son passé judiciaire très chargé, reconnaissant avec ironie qu’il le porte aujourd’hui comme « un bâton de maréchal d’humoriste ». Ses multiples condamnations pour injure raciale, diffamation, incitation à la haine, fraude fiscale et abus de biens sociaux sont abordées ouvertement, avec une pointe d’humour noir. Il se compare même à Pablo Escobar en termes de condamnations, soulignant paradoxalement que cette dimension provocatrice fait partie intégrante de son rôle d’humoriste, qu’il assimile à celui d’un « bouffon du roi », censé « chatouiller là où ça fait mal ».
Durant leur échange approfondi, les deux hommes explorent plusieurs sujets sensibles tels que le racisme, les différentes formes d’esclavage (transatlantique, arabo-musulmane et inter-africaine), ainsi que l’humour noir comme moyen de surmonter la souffrance. Dieudonné souligne la nécessité d’aborder toutes ces réalités historiques sans tabou et sans hiérarchiser les souffrances.
La conversation aborde également la question délicate du geste de la « quenelle ». Dieudonné précise qu’à l’origine, ce geste controversé, rapidement qualifié d’antisémite par ses détracteurs, était plutôt un symbole de contestation et d’émancipation populaire, particulièrement adopté dans les milieux afrodescendants et parmi les mouvements sociaux comme les Gilets Jaunes.
L’humoriste revient sur ses provocations passées, notamment ses apparitions controversées avec le négationniste Robert Faurisson ou ses sketchs polémiques, tout en expliquant comment il a évolué vers une posture davantage tournée vers le dialogue et la réconciliation. Il évoque particulièrement son récent voyage à Auschwitz avec Francis Lalanne et un représentant de la communauté juive, soulignant la sincérité de sa démarche de pardon envers ceux qu’il a pu offenser.
Dieudonné raconte également comment son métier d’humoriste a toujours représenté pour lui un véritable engagement, lui permettant d’aborder des sujets délicats comme le cancer, les attentats du 11 septembre, ou encore le « wokisme ». Pour lui, faire rire, même des sujets graves ou douloureux, constitue un moyen essentiel de résilience et d’apaisement collectif.
Enfin, il partage ses aspirations futures, exprimant son souhait de transmettre son expérience aux nouvelles générations, en particulier en Afrique et aux Antilles. Il envisage notamment de créer une école d’humour pour former les futurs talents au « one-man-show » et à l’art de la prise de parole en public.
Dieudonné et André Bercoff concluent l’entretien en rappelant l’importance fondamentale de préserver une liberté d’expression totale et indivisible, tout en alertant contre les dangers d’une mémoire obsédante, qui risque de nourrir davantage la haine que le dialogue nécessaire à l’apaisement.
Source : Tocsin