Le 9e vol d’essai de Starship restera sans doute l’un des plus marquants de l’histoire du programme. Dès les premiers instants, l’émotion était palpable : les 33 moteurs Raptor du Super Heavy se sont allumés simultanément, propulsant l’ensemble du véhicule dans un vacarme tonitruant, visible et ressenti jusqu’au sol. « C’est une sacrée vue d’ici », s’enthousiasme un commentateur alors que le véhicule s’élève avec une puissance impressionnante.
La montée initiale s’est déroulée sans encombre jusqu’au passage de la pression aérodynamique maximale, suivie d’un moment clé : le hot-staging. Ce processus de séparation, où les moteurs du second étage s’allument avant que les moteurs du booster ne s’éteignent totalement, a été exécuté avec brio. « Séparation des étages… retournement incroyable du propulseur Super », entend-on pendant la manœuvre, saluée par des applaudissements nourris.
Une fois la séparation accomplie, six moteurs Raptor sains ont continué à propulser Starship vers l’espace. En parallèle, le booster entamait un retour spectaculaire. C’était la première tentative de réutilisation d’un Super Heavy, testé dans des conditions extrêmes, notamment avec un angle d’attaque plus élevé pour maximiser la traînée durant la rentrée. L’objectif ? Recueillir des données réelles sur des comportements simulés jusqu’ici en soufflerie et par modélisation.
Mais l’atterrissage du booster ne s’est pas déroulé comme prévu. Bien que les 13 moteurs aient redémarré pour la décélération, l’un des trois moteurs centraux a été volontairement éteint pour tester les limites du système. Ce test a entraîné une perte de télémétrie peu après l’allumage de la phase d’atterrissage, mettant fin au vol du booster dans le golfe du Mexique.
Côté vaisseau, l’ascension s’est poursuivie avec succès. Les moteurs se sont coupés comme prévu, laissant Starship sur une trajectoire suborbitale. « Le vaisseau a été sauvé », ont annoncé les équipes au sol, soulignant l’insertion réussie et nominale sur la trajectoire planifiée. « Un test de vol incroyable jusqu’à présent », résume l’un des ingénieurs. C’était le premier vol avec un booster réutilisé et les six moteurs du vaisseau ont fonctionné parfaitement.
Cependant, les défis n’étaient pas terminés. Le plan prévoyait l’ouverture de la soute pour le déploiement de simulateurs de satellites Starlink. Mais la porte, située sur le côté du vaisseau, ne s’est pas complètement ouverte. Une fuite dans les systèmes de propergol a ensuite provoqué une perte de contrôle d’attitude. « Nous avons essentiellement perdu le contrôle d’attitude de Starship », déclare un opérateur, évoquant des souvenirs du vol 3 où un incident similaire s’était produit.
Malgré tout, Starship restait sur une trajectoire de rentrée, mais non contrôlée. La télémétrie indiquait une légère rotation du vaisseau, compromettant les objectifs restants : rallumage d’un moteur pour désorbitation contrôlée, test complet du bouclier thermique modifié avec 100 tuiles retirées volontairement, et la descente finale en simulation de mission opérationnelle.
Le vaisseau a finalement été passivé, c’est-à-dire vidé de son carburant, avant d’entrer dans une rentrée atmosphérique incontrôlée au-dessus de l’océan Indien. Les images spectaculaires montraient une montée de température jusqu’à 1400°C, le plasma enveloppant l’appareil. Le contact a été définitivement perdu peu après, confirmant la fin du vol : « Nous avons officiellement perdu le contact avec le vaisseau », conclut l’équipe de SpaceX.
Ce vol, bien que marqué par des échecs partiels, a permis d’acquérir des données essentielles pour les prochaines étapes du développement du Starship. Entre réutilisation du booster, tests du bouclier thermique et manipulations en vol réel, il repousse une fois de plus les limites de l’ingénierie spatiale.