Quand des plongeurs grecs découvrent une épave au large de l’île d’Anticythère en 1901, ils ne cherchent pas à faire l’Histoire. Ils veulent simplement trouver des éponges à vendre. Et pourtant, ce qu’ils remontent des profondeurs va bouleverser notre vision du passé. Parmi les statues, pièces et bijoux dormait une masse de métal corrodée, sans éclat, sans beauté. Un bloc de bronze, fissuré, que personne ne comprend. Jusqu’à ce qu’un archéologue y aperçoive l’impensable : des engrenages.
Ce morceau de métal n’est pas un débris. C’est une machine. Et pas n’importe laquelle. L’Anticythère. Le tout premier ordinateur connu de l’humanité.

Une technologie impossible pour son époque
Construit entre 150 et 100 avant notre ère, ce mécanisme, à peine plus grand qu’une boîte à chaussures, renferme 30 engrenages en bronze, certains minuscules, avec des dents si précises que même des ingénieurs du XXIe siècle en restent perplexes. Cette machine n’a rien d’un jouet ou d’un ornement. Elle est conçue pour fonctionner. Et elle fonctionne.
En tournant une simple manivelle, l’utilisateur pouvait actionner les engrenages qui faisaient bouger plusieurs cadrans : position du Soleil, de la Lune, des cinq planètes connues à l’époque (Mercure, Vénus, Mars, Jupiter, Saturne), phases lunaires, calendrier olympique, signes du zodiaque… tout y est. L’un des engrenages possède exactement 223 dents, correspondant au cycle de Saros, utilisé pour prédire les éclipses. À l’intérieur, une petite sphère noire et blanche indique les phases de la Lune en temps réel. C’est un planétarium miniature, logé dans une boîte de bronze vieille de 2000 ans.
Et ce n’est pas une supposition : les répliques modernes du mécanisme montrent que l’engin fonctionnait vraiment. Ce n’est pas juste de l’ingéniosité. C’est du génie pur.
Une découverte qui dérange plus qu’elle ne rassure
Ce qui rend cette invention encore plus troublante, c’est son isolement. Après l’Anticythère, plus rien. Pas de suite, pas de copies, pas d’évolutions. L’histoire s’arrête net. C’est comme si quelqu’un avait appuyé sur “effacer”.
Et c’est précisément ce que soulignent Joe Rogan et Graham Hancock dans un épisode de The Joe Rogan Experience enregistré le 23 avril 2019. Face à ce qu’ils appellent un véritable ordinateur grec antique, les deux hommes posent la seule question qui compte : comment est-ce possible ?
Hancock évoque un outil capable de guider les marins, de prédire les éclipses, de suivre les planètes, peut-être même de localiser sa position sur Terre — une sorte de GPS de l’Antiquité. Joe Rogan reste sans voix. « C’est fou, mec », lâche-t-il. Ils s’accordent sur une idée : si un tel niveau technologique existait il y a plus de 2000 ans, que reste-t-il que nous n’avons pas encore découvert ?
Le savoir perdu : un effondrement silencieux
Cette machine n’est pas seulement une prouesse technique. C’est la preuve que le progrès humain peut disparaître. Graham Hancock y voit un avertissement : la connaissance ne progresse pas toujours de manière linéaire. Elle monte. Elle chute. Et parfois, elle s’efface sans laisser de trace.
Vers 146 avant notre ère, la Grèce est conquise par Rome. Les villes brûlent. Les bibliothèques sont détruites. Les érudits sont tués ou dispersés. Peut-être que ceux qui avaient conçu l’Anticythère ont disparu dans ce chaos. Peut-être que les ateliers où ces machines étaient fabriquées ont été détruits en quelques jours.
D’autres théories évoquent la valeur du bronze. Trop précieux pour être conservé sous forme d’engrenages, il aurait été fondu pour fabriquer des armes ou des sculptures. Même si le savoir avait survécu, les objets eux-mêmes auraient disparu. Et si ce mécanisme n’était destiné qu’à une élite — prêtres, navigateurs, astronomes — il aurait pu rester secret, sans jamais être diffusé.
Ce qu’on a découvert… et ce qu’on n’a pas encore trouvé
Pendant un siècle, le mécanisme repose en silence, exposé mais incompris. Ce n’est qu’à partir de 2005 qu’une équipe internationale utilise des outils modernes — scanners CT, rayons X, reconstructions 3D — pour en révéler les secrets. Ils trouvent des inscriptions en grec, invisibles à l’œil nu, décrivant les mouvements des planètes, des cycles et des événements célestes. En 2021, une équipe du University College de Londres parvient à modéliser l’intégralité du mécanisme. Chaque engrenage, chaque fonction, chaque interaction.
Et la machine fonctionne. Pas une approximation. Une précision qui rivalise avec certains instruments modernes.
Mais un mystère reste entier : où sont les autres ? Pourquoi ce mécanisme est-il le seul jamais découvert ? Est-ce une exception, ou le dernier survivant d’une lignée entière d’appareils oubliés ? En 2012 et 2015, de nouvelles fouilles près de l’épave ont révélé d’autres objets, comme un disque en bronze orné d’un taureau. Ce n’était pas une pièce du mécanisme, mais une preuve que l’épave n’a pas encore tout livré.
Peut-être que d’autres mécanismes dorment encore dans les abysses, ou dans des caisses de musées, étiquetés à tort comme simples fragments métalliques. Peut-être que ce que nous croyons avoir résolu n’est en réalité que la première couche d’un savoir enfoui, oublié, effacé.
Et c’est précisément ce qui fait peur.
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