La Chine traverse une période complexe marquée par une croissance économique artificielle, une faible consommation interne et des défis structurels majeurs. Depuis près de deux décennies, le pays a tenté de masquer ces faiblesses, mais aujourd’hui, l’ampleur du problème ne peut plus être ignorée. Alors que la consommation des ménages ne représente que 38 % du PIB – bien loin des 70 % constatés aux États-Unis – ce déséquilibre pèse lourdement sur l’économie nationale et mondiale.
La croissance chinoise : entre construction et illusion
Pour répondre aux objectifs de croissance imposés par le gouvernement, les responsables locaux ont adopté une stratégie fondée sur la multiplication des projets d’infrastructures. Au cours des 25 dernières années, la Chine a ainsi triplé la longueur de ses routes, atteignant un niveau comparable à l’ensemble du réseau routier américain. Cette dynamique s’est aussi traduite par la création de nombreux ponts, logements et lignes de chemin de fer.
Cependant, cette frénésie de construction a ses limites. Le nombre de personnes susceptibles d’occuper ces infrastructures n’est pas extensible. Résultat : l’apparition de villes fantômes, des ensembles immobiliers gigantesques, souvent érigés dans des zones reculées, où des millions de logements restent inoccupés. Malgré l’absence d’habitants, chaque étape de la construction – matériaux, main-d’œuvre, prestations diverses – contribue artificiellement à la hausse du PIB, même lorsque l’utilité réelle fait défaut.
« On peut construire un pont, le démolir, le reconstruire, le démolir encore, pour avoir un PIB fantastique », observe le PDG du China Beige Book, soulignant l’illusion d’une croissance qui n’est ni productive ni réelle à long terme.
De plus, certaines des plus grandes sociétés de construction et de promotion immobilière du pays ont déposé le bilan ces dernières années, preuve que ce modèle atteint ses limites.
Les difficultés à stimuler la consommation interne
Face à la saturation du secteur immobilier et à la fermeture progressive des marchés extérieurs, la Chine doit impérativement encourager sa population à consommer davantage. Pourtant, plusieurs facteurs freinent cette transition :
- Un héritage historique de prudence : Au cours des quatre derniers siècles, la Chine a connu douze famines majeures, dont la plus dévastatrice, survenue il y a soixante ans, a fait au moins 30 millions de morts. Cette mémoire collective encourage l’épargne et la méfiance vis-à-vis de l’avenir.
- Dépendance alimentaire : La Chine ne dispose pas de suffisamment de terres agricoles pour nourrir toute sa population et doit importer environ 40 % des calories consommées.
- Le modèle 4-2-1 : Héritage de la politique de l’enfant unique, un enfant doit souvent subvenir aux besoins de ses deux parents et de ses quatre grands-parents, incitant à mettre de l’argent de côté, notamment face au coût élevé des soins de santé.
- L’absence d’incitations à l’investissement : Contrairement à d’autres pays, comme les États-Unis où les ménages investissent régulièrement dans les grandes entreprises via les marchés financiers, les Chinois n’ont pas facilement accès à ce type de placement. Les grandes entreprises stratégiques restent sous contrôle étatique, sans possibilité pour les citoyens ordinaires d’y investir.
Dans les pays occidentaux, la propriété d’actions permet de créer un effet de richesse : plus les gens ont le sentiment de s’enrichir, plus ils consomment, ce qui stimule l’économie. Ce cercle vertueux n’existe pas en Chine, où la priorité est donnée au secteur public et où la population ne peut pas bénéficier des fruits de la croissance.
Le rôle du système politique et économique
Le système communiste chinois favorise les entreprises publiques, notamment dans la construction, l’énergie, la défense et les banques. Les bénéfices sont théoriquement réinvestis dans le développement du pays, mais cette organisation exclut la population de la participation directe à la croissance. Les citoyens ne peuvent pas orienter les profits vers des projets qui leur seraient utiles et n’ont pas leur mot à dire dans la gestion des grandes entreprises nationales.
Pourtant, la communauté internationale et les entreprises étrangères ont longtemps soutenu le développement économique chinois, espérant voir émerger un immense marché de consommateurs. Les politiques de libre-échange et l’implantation d’usines en Chine étaient censées ouvrir le pays à la consommation de produits étrangers. Mais vingt-cinq ans après le début de cet engagement, les ménages chinois restent de faibles consommateurs, aussi bien sur le marché intérieur qu’à l’international.
Des solutions difficiles à mettre en œuvre
Pour relancer la consommation, plusieurs mesures existent : transférer des actifs de l’État vers les ménages, renforcer la protection sociale, ou encore réévaluer la monnaie pour accroître le pouvoir d’achat. Cependant, ces options s’opposent à la vision du dirigeant Xi Jinping et à la nature du système en place, qui repose sur un contrôle centralisé et un refus d’octroyer plus d’autonomie à la société civile.
Un simple passage de 38 % à 48 % de la contribution des ménages à l’économie permettrait déjà de rééquilibrer le commerce extérieur chinois. Mais l’ouverture nécessaire se heurte à la résistance du modèle politique, qui privilégie la stabilité du pouvoir au détriment de la participation citoyenne et de la liberté d’entreprendre.
Source : NTD France