Le conflit en Ukraine ne se joue pas uniquement sur le champ de bataille, mais également, et peut-être surtout, dans l’espace médiatique. Il est souvent difficile de discerner le vrai du faux entre les récits officiels, la propagande de guerre et les réalités du terrain. Benoît Paré, ancien observateur de l’OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) en Ukraine entre 2015 et 2022, brise le silence. Après avoir vécu au cœur du Donbass et observé les dynamiques complexes de cette région, il livre une analyse critique de la couverture médiatique occidentale dans son nouvel ouvrage, Ukraine, la grande manipulation.
Du terrain à l’analyse : pourquoi briser le silence ?
Benoît Paré n’est pas un observateur de salon. Pendant sept ans, il a sillonné le Donbass, vivant successivement à Kramatorsk, Louhansk, Marioupol et Donetsk. Cette expérience de terrain lui a permis de constater un décalage grandissant entre sa propre expérience et les informations rapportées en Occident. Après son évacuation d’Ukraine en février 2022, il a ressenti le besoin impérieux de partager sa vision des choses, d’abord sous pseudonyme pour protéger sa carrière au sein des institutions gouvernementales, puis à visage découvert.
Son premier constat est amer : dès les premiers jours de l’intervention russe, la narration médiatique est devenue monolithique. Selon lui, l’interdiction rapide des médias russes en Europe et l’absence de contradiction dans les grands journaux ont transformé le journalisme en outil de propagande. Il cite l’exemple de la frappe de Krementchouk, en juin 2022. Alors que la presse française, comme Le Figaro, ne relayait que la version ukrainienne d’une attaque contre un centre commercial, l’analyse des caméras de surveillance et des rapports russes suggérait que la cible réelle était une usine d’armement adjacente, une nuance cruciale totalement évacuée du débat public.
Boutcha, Marioupol, Izioum : autopsie des narratifs de guerre
L’auteur revient en détail sur plusieurs événements marquants qui ont façonné l’opinion publique internationale, et remet en question la version officielle grâce à un travail d’enquête minutieux et à un croisement des sources.
L’affaire de Boutcha : une chronologie trouble
Le massacre de Boutcha est sans doute l’événement qui a le plus marqué les esprits. Selon Benoît Paré, la présentation des faits relève d’une manipulation émotionnelle destinée à stopper toute négociation de paix. Il souligne plusieurs incohérences :
- Le retrait russe : le retrait des troupes russes de la ville, le 30 mars ; Le lendemain, le maire de Boutcha se filme, tout sourire, pour annoncer la libération de la ville, sans mentionner le moindre cadavre dans les rues.
- L’arrivée des forces ukrainiennes : ce n’est que le 1ᵉʳ avril que les forces spéciales ukrainiennes, menées par le controversé « Botsman », entrent dans la ville. Une vidéo montre d’ailleurs un soldat demander la permission de tirer sur des civils ne portant pas de brassard bleu, permission accordée par son supérieur.
- Les victimes : de nombreux corps retrouvés portaient des brassards blancs, signe distinctif des civils cherchant à signaler leur neutralité ou leur coopération avec les forces russes occupantes, ce qui rend peu probable leur exécution par ces mêmes forces.
- La réaction britannique : dès le 3 avril, avant toute enquête indépendante, la presse et le gouvernement britanniques ont accusé la Russie avec une virulence coordonnée, suggérant une opération de communication planifiée.
C’était un safari photo indécent, où des centaines de journalistes sont venus voir les cadavres, réunis là juste pour leur être montrés. On a l’impression d’assister à une mise en scène destinée à choquer le plus possible tous les médias de la planète.
Le théâtre de Marioupol et les charniers d’Izioum
D’autres drames ont donné lieu à des bilans contestés. Concernant le théâtre de Marioupol, l’agence Associated Press avait évoqué 600 morts, un chiffre basé sur des témoignages de personnes n’ayant pas été sur place. Les enquêtes ultérieures, y compris celles citées par Amnesty International et les autorités locales après le déblaiement des lieux, ont permis de retrouver une douzaine de corps environ, un chiffre tragique, mais bien loin de l’hécatombe annoncée. De même, les « charniers » d’Izioum se sont révélés être principalement des cimetières de fortune créés pendant les combats pour enterrer les victimes de bombardements (des deux camps) et les soldats abandonnés, plutôt que des preuves d’exécutions massives.
La question sensible des enfants « déportés »
L’un des points les plus sensibles abordés est l’accusation de déportation d’enfants, qui a valu à Vladimir Poutine un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale. Benoît Paré souligne la disproportion des chiffres. Si les médias ont parlé de 17 000 enfants kidnappés, la liste officielle fournie par Kiev lors de négociations ultérieures n’en comportait qu’environ 300. De plus, l’évacuation d’orphelinats situés en zone de guerre vers l’arrière peut être interprétée comme une mesure de mise en sécurité plutôt qu’un enlèvement. Grâce à des médiations internationales, quelques dizaines d’enfants ont récemment pu retrouver leurs familles, loin des milliers annoncés initialement.
Un biais institutionnel ancré
L’expérience de Benoît Paré au sein de l’OSCE permet de comprendre comment ce traitement médiatique a émergé. Il décrit une institution censée être neutre, mais dont les cadres et la communication étaient, selon lui, structurellement biaisés contre les populations du Donbass et la Russie bien avant 2022.
Dès son arrivée, il raconte comment les briefings présentaient une vision manichéenne du conflit : d’un côté, le camp du « bien » luttant contre le séparatisme, et de l’autre, le camp du « mal ». Cette absence de neutralité se traduisait par un refus de communiquer avec les médias des zones séparatistes, ainsi que par une tendance à minimiser, voire à ignorer, les violations commises par le côté ukrainien. Selon l’ancien observateur, cette partialité institutionnelle a préparé le terrain à l’alignement total des médias occidentaux dès le début de l’offensive russe.
La réalité du front face à la communication
Aujourd’hui, le discours occidental se heurte à une contradiction fondamentale : la Russie est décrite à la fois comme une armée incompétente, au bord de l’effondrement, et comme une menace existentielle capable d’envahir toute l’Europe. Cette dissonance cognitive, entretenue par une propagande émotionnelle, commence à s’effriter face à la réalité du terrain, notamment avec les récentes avancées russes dans le Donbass (prise d’Avdiivka et progression vers Pokrovsk).
Toutefois, Benoît Paré ne dédouane pas la Russie. Il reconnaît que Moscou pratique également la manipulation, mais de manière différente. Si les Russes communiquent peu vers l’Occident (la « grande muette »), ils utilisent également des mises en scène maladroites ou des arguments historiques forts, comme la « dénazification ». Sur ce point, l’auteur précise que pour les Russes, il s’agit surtout de combattre l’héritage du « bandérisme » (du nom de Stepan Bandera, collaborateur des nazis), une idéologie nationaliste toujours présente au sein de certaines unités ukrainiennes et tolérée par l’État.
À l’heure où l’intelligence artificielle permet de fabriquer des images de toutes pièces, la vigilance est plus que jamais de mise. L’analyse de Benoît Paré invite à prendre du recul, à croiser les sources et à ne pas se laisser guider uniquement par l’émotion pour comprendre un conflit aux enjeux géopolitiques majeurs.
Source : OMERTA































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