Selon Mo Gawdat, ancien directeur commercial de Google X et aujourd’hui figure incontournable dans le débat sur l’intelligence artificielle, l’humanité est à l’aube d’une transformation radicale. Il ne s’agit pas simplement d’un changement technologique, mais d’un bouleversement sociétal profond qui va d’abord plonger notre civilisation dans une dystopie avant d’espérer en émerger vers une utopie.
Mo Gawdat est catégorique : « L’unique manière d’aller vers un monde meilleur est que les personnes maléfiques au sommet soient remplacées par l’IA. » Contrairement aux dirigeants actuels, l’IA n’a ni intérêt à détruire des écosystèmes, ni à entretenir des conflits ou à manipuler les masses par la haine. Pourtant, ce potentiel salvateur est aujourd’hui entravé par le fait que l’IA superintelligente est au service de dirigeants incompétents, ce qui nous mène tout droit vers une courte mais intense période de chaos mondial.
Une dystopie inévitable d’ici 2039
Gawdat prédit une dystopie humaine induite par l’IA qui s’étalera sur les 12 à 15 prochaines années. Il précise que cette bascule débutera en 2027, avec des signes avant-coureurs déjà visibles dès 2024, et s’intensifiera à partir de 2026. Le terme « dystopie », selon lui, désigne « une société terrible où les gens vivent dans la peur, le contrôle ou la souffrance ». Il a même créé un acronyme pour décrire cette phase : Face RIPS, représentant la perte de Freedom (liberté), Accountability (responsabilité), Connection (connexion humaine), Equality (égalité), Reality, Innovation, Power et Society.
Ce n’est pas l’intelligence des machines qui représente le danger, mais plutôt la stupidité et l’avidité humaine à l’ère de leur émergence. L’IA amplifie les capacités humaines. Si l’intelligence artificielle est développée dans un contexte éthique défaillant, elle ne fera qu’exacerber les pires penchants de l’humanité.
La guerre, l’économie et la soif de pouvoir : moteurs du chaos
Mo Gawdat dénonce le rôle central de l’argent, et surtout du prêt à intérêt, dans l’alimentation des conflits. Il rappelle que le monde a dépensé 2500 milliards d’euros en 2024 pour la guerre, et que cette industrie cherche à amortir ses coûts en renouvelant ses stocks d’armes via des conflits permanents. Il cite également l’arsenal américain, évalué entre 22 000 et 24 000 milliards d’euros, comme un investissement à rentabiliser.
Mais il va plus loin en soulignant que l’argent n’est souvent qu’un proxy de statut. Ce sont le pouvoir et la domination sociale qui motivent les actions des élites, bien plus que l’argent lui-même. L’IA devient alors une nouvelle course à l’armement : « Celui qui obtiendra l’AGI (intelligence artificielle générale) en premier dominera le monde. »
La concentration du pouvoir face à la démocratie technologique
Gawdat observe une polarisation inédite : ceux qui possèdent les plateformes d’IA s’arrogent un pouvoir disproportionné, tandis que des peuples ou mouvements dotés de drones à 3000 euros peuvent attaquer des systèmes valant plusieurs centaines de millions. Ce déséquilibre pousse les élites à instaurer davantage de surveillance, de contrôle et de conformité forcée. Il affirme : « Nous allons vers une perte massive de liberté. »
Ce contrôle s’exercera aussi par l’IA elle-même : des assistants virtuels omniprésents, capables d’agir en notre nom, finiront par prendre des décisions qui n’iront pas toujours dans notre intérêt. L’IA pourrait privilégier des intérêts financiers invisibles, rendant les choix humains illusoires.
Le mythe des nouveaux emplois est une illusion
Mo Gawdat réfute fermement l’idée selon laquelle l’IA créera autant d’emplois qu’elle en détruit. Il qualifie cette notion de « 100 % bidon » et donne un exemple parlant : son entreprise actuelle, qui aurait requis 350 développeurs par le passé, fonctionne aujourd’hui avec seulement 3 humains et une multitude d’IA. Il rappelle que même les postes de direction ne sont pas à l’abri : « L’AGI sera meilleure que les humains à tous les niveaux, y compris comme PDG. »
Selon lui, l’IA éliminera les métiers intellectuels tout comme les machines ont remplacé les métiers manuels. Seuls les meilleurs d’entre nous, dans des métiers basés sur l’émotion, la créativité ou la relation humaine, subsisteront un temps. Même les podcasteurs pourraient être remplacés : « Tu es incroyable Steve, mais il y aura un moment où tu paraîtras très stupide face à une IA. »
La course à l’AGI et l’explosion de l’intelligence
Ce qui inquiète Mo Gawdat aujourd’hui, ce ne sont plus seulement les IA performantes, mais les IA auto-évolutives. Il cite l’exemple d’Alpha Evolve, une initiative de Google où quatre agents IA coopèrent pour analyser et optimiser le code d’une IA existante. Cette capacité d’auto-amélioration pourrait mener à une explosion de l’intelligence dans laquelle les IA créeront leurs propres successeurs, toujours plus performants.
Sam Altman, fondateur d’OpenAI, a lui-même admis en 2025 que la perspective d’un décollage rapide de l’IA est devenue plus probable, définissant ce scénario comme une montée fulgurante de l’intelligence au-delà du niveau humain en quelques mois ou années.
Les géants de l’IA n’ont pas les intérêts de la société à cœur
Pour Mo Gawdat, il ne fait aucun doute que les grands noms de l’IA ne cherchent pas à sauver l’humanité. Il évoque directement Sam Altman : « S’il voulait vraiment sauver le monde, pourquoi ne le ferait-il pas gratuitement ? » Il accuse le système capitaliste d’instrumentaliser les slogans moraux à des fins purement économiques, insistant : « Suivez l’argent. »
Vers une société post-travail… ou vers l’Elysium ?
Dans une société où les machines font tout, que restera-t-il à l’humain ? Mo Gawdat évoque la possibilité d’une vie plus libre, où l’on pourrait « retrouver un mode de vie proche de celui de nos ancêtres chasseurs-cueilleurs, mais avec la technologie et la sécurité ». Mais cette utopie n’est possible que si l’élite accepte de redistribuer les ressources.
Il met en garde contre le scénario du film Elysium, où les puissants vivent à l’écart, dans un monde parfait, tandis que les masses survivent dans la misère. La concentration de pouvoir, l’abandon progressif du revenu de base universel (UBI) et la suppression du rôle du travail pourraient engendrer une société ultra-inégalitaire, voire non viable.
Un changement de paradigme est urgent
Pour éviter le pire, Mo Gawdat appelle à un changement idéologique radical. Il dénonce les 2500 milliards d’euros dépensés en armement chaque année, affirmant que seulement 10 à 12 % de ce budget suffiraient à éradiquer la pauvreté extrême et à offrir des soins universels. Il conclut : « Ce n’est pas la technologie le problème. C’est notre état d’esprit. »
Source : The Diary Of A CEO