Au début de l’année 2015, un groupe d’astronomes amateurs analysait minutieusement les données transmises par le télescope spatial Kepler de la NASA lorsqu’il a remarqué quelque chose d’étrange. Une étoile située dans la constellation du Cygne, à environ 1 400 années-lumière de la Terre, semblait en effet clignoter de manière totalement incohérente.
Il n’est pas rare que la luminosité d’une étoile varie avec le temps. Cependant, la lumière de cet astre particulier changeait de façon totalement irrationnelle. Non seulement les fluctuations étaient gigantesques — à un moment donné, l’étoile s’est obscurcie de plus de 20 % de manière apparemment aléatoire —, mais c’est surtout l’absence totale de motif régulier qui interpellait les chercheurs.
Face à cette anomalie céleste, la communauté scientifique mondiale s’est posé la question qui brûlait toutes les lèvres : que se passait-il là-bas ? S’agissait-il d’un phénomène naturel inconnu ou, comme certains osaient le murmurer, de la première preuve tangible d’une ingénierie extraterrestre massive ?
La découverte des chasseurs de planètes
Le télescope spatial Kepler, lancé en 2009, avait pour mission de détecter des planètes en orbite autour d’étoiles lointaines. Pour ce faire, il utilisait la méthode de la photométrie de transit, qui consiste à analyser les courbes de lumière de centaines de milliers d’étoiles afin de détecter les faibles baisses de luminosité provoquées par le passage d’une planète devant son étoile.
Cette mission a été un succès retentissant, permettant d’identifier plus de 2 500 exoplanètes. Cependant, la quantité de données générée était telle que les astronomes de la NASA ne pouvaient pas tout traiter seuls. Ils ont donc fait appel à des « scientifiques citoyens », des amateurs du monde entier surnommés les « Planet Hunters » (Chasseurs de planètes).
C’est ce collectif qui a repéré le comportement aberrant de l’étoile cataloguée sous le nom de KIC 8462852, aujourd’hui plus connue sous le nom d’« Étoile de Tabby », en l’honneur de l’astronome Tabetha Boyajian qui a dirigé l’étude initiale.
Selon les données, la luminosité de cette étoile chutait jusqu’à 22 % à des intervalles aléatoires, parfois pendant plusieurs jours. Pour mettre cela en perspective, une planète géante comme Jupiter ne bloquerait qu’environ 1 % de la lumière de cette étoile. Pour obscurcir 22 % de sa surface, l’objet en transit devrait être littéralement gigantesque, bien au-delà de la taille physique maximale possible pour une planète.
L’élimination des suspects habituels
Face à l’impossible, les scientifiques ont dû procéder par élimination en testant une à une les hypothèses naturelles.
1. Une planète géante ou une naine brune
Comme mentionné précédemment, une planète ne peut pas être assez grande pour provoquer un tel obscurcissement. Au-delà d’une certaine masse (environ 13 fois celle de Jupiter), la pression interne déclenche la fusion du deutérium, transformant l’objet en naine brune, une étoile ratée. Or, si une naine brune orbitait autour de l’étoile de Tabby, elle émettrait une signature thermique visible dans le spectre infrarouge. Or, aucune signature de ce type n’a été détectée.
2. Un disque de poussière protoplanétaire
Les jeunes systèmes solaires sont souvent entourés de disques de poussière denses capables de bloquer la lumière. Cependant, ces disques se trouvent autour d’étoiles naissantes. L’étoile de Tabby est un astre mature. De plus, à l’instar des naines brunes, un tel disque de poussière absorberait la lumière de l’étoile pour la réémettre sous forme de chaleur infrarouge, ce qui n’est pas observé ici.
3. Un essaim de comètes
L’une des premières hypothèses sérieuses, publiée en 2016, suggérait qu’un immense essaim de comètes pourrait être responsable. Bien que théoriquement possible, cette explication posait problème en raison de l’échelle : il aurait fallu des centaines de milliers de comètes géantes pour bloquer autant de lumière. De plus, des archives historiques ont révélé que l’étoile de Tabby ne clignote pas seulement : elle s’éteint progressivement depuis au moins un siècle. Un essaim de comètes ne saurait expliquer un tel déclin sur le long terme.
L’hypothèse de la mégastructure alien
Lorsque toutes les explications naturelles semblent échouer, l’imagination se tourne vers l’artificiel. L’astrophysicien Jason Wright a émis l’hypothèse audacieuse selon laquelle les fluctuations irrégulières pourraient être causées par une Sphère de Dyson (ou un essaim de Dyson) en cours de construction.
Une sphère de Dyson est une mégastructure hypothétique qu’une civilisation très avancée pourrait construire autour de son étoile afin d’en capter toute l’énergie. Des panneaux solaires géants, des habitats ou des miroirs passant devant l’étoile de manière non coordonnée pourraient expliquer ces baisses de luminosité erratiques.
Cette théorie a enflammé les médias et la communauté scientifique. L’institut SETI a même pointé son réseau de radiotélescopes vers l’étoile afin d’écouter d’éventuels signaux de communication. Malheureusement, le silence radio fut total.
Le verdict de la lumière colorée
Pour trancher définitivement, une campagne de financement participatif a permis de surveiller l’étoile en continu grâce à un réseau mondial de télescopes. En 2018, une nouvelle baisse de luminosité a été observée en temps réel, apportant une donnée cruciale : la « couleur » de l’obscurcissement.
Les données ont révélé que l’objet qui passait devant l’étoile ne bloquait pas toutes les longueurs d’onde de la même manière. La lumière bleue était beaucoup plus bloquée que la lumière rouge. C’était la pièce manquante du puzzle.
Si une structure solide et opaque (comme une mégastructure extraterrestre, une planète ou un vaisseau géant) passait devant l’étoile, elle bloquerait toute la lumière de manière uniforme. Le fait que certaines couleurs passent mieux que d’autres indique que l’obstacle est translucide ou diffus. En d’autres termes, il s’agit de poussières.
Mais d’où vient cette poussière ?
Si le mystère de la nature de l’objet semble résolu (il s’agit de poussières très fines), son origine reste une énigme tenace. Comme nous l’avons vu, l’étoile est trop vieille pour posséder un disque protoplanétaire classique et l’excès de chaleur infrarouge habituellement associé à la poussière n’est pas détecté.
Deux théories principales tentent aujourd’hui d’expliquer cette présence incongrue :
- la lune orpheline (Ploonet) ; Une étude de 2019 suggère qu’une exolune aurait pu être arrachée à sa planète et se retrouver en orbite proche autour de l’étoile. Sous l’effet de la chaleur intense, cette lune s’évaporerait lentement, laissant derrière elle une traînée massive de gaz et de poussière. Cela expliquerait les baisses irrégulières et le déclin à long terme (l’étoile revenant à la normale après avoir « avalé » la planète mère).
- La deuxième théorie est celle du nuage interstellaire : la poussière ne serait pas en orbite autour de l’étoile, mais flotterait quelque part dans l’espace, entre la Terre et l’étoile de Tabby. Un nuage de densité variable passant devant notre ligne de visée pourrait tout expliquer. Cependant, cette théorie peine à expliquer pourquoi les étoiles voisines ne sont pas affectées de la même manière.
Une énigme qui persiste
À ce jour, les scientifiques sont convaincus que la poussière, sous une forme ou une autre, est responsable de l’anomalie de l’étoile de Tabby. Cependant, l’origine exacte de cette poussière et sa localisation précise restent incertaines. De plus, des observations récentes suggèrent l’émergence d’un cycle de quatre ans, ce qui rend les modèles basés sur le chaos aléatoire encore plus complexes.
Même si l’hypothèse d’une origine extraterrestre a été écartée par l’analyse spectrale, l’étoile de Tabby nous rappelle que l’univers regorge de phénomènes naturels qui dépassent encore notre compréhension actuelle. Parfois, la réalité est tout aussi fascinante que la science-fiction.
Source : Thoughty2































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