Le livre posthume d’Olivier Marleix, Dissolution française – La fin du macronisme, publié le 13 novembre aux éditions Robert Laffont, soulève des questions dérangeantes sur l’état de la démocratie française. Régis de Castelnau, avocat et auteur, et Didier Maïsto, journaliste et ancien directeur de Sud Radio, tous deux proches du défunt député, décryptent cet ouvrage qui constitue un véritable réquisitoire contre le système Macron.
Un témoignage authentique et troublant
Thierry Billard, directeur éditorial chez Robert Laffont, a tenu à préciser les circonstances de la publication dans une postface. Deux jours avant de mettre fin à ses jours, Olivier Marleix lui avait retourné le manuscrit final, approuvant 99 % des modifications. Le 5 juillet dernier, l’ancien président du groupe Les Républicains lui envoyait son texte définitif avec cette remarque : « Avec toutes mes corrections intégrées. J’ai à peu près tout intégré et précisé ce que vous avez demandé de préciser. » Quarante-huit heures plus tard, il mettait fin à ses jours.
Pour Didier Maïsto, qui connaissait Olivier Marleix depuis 1993, ce texte reflète parfaitement sa personnalité. « À chaque ligne, j’avais l’impression de l’entendre », confie-t-il. Le journaliste décrit un homme « de cristal projeté dans un monde de béton », quelqu’un de sensible et délicat qui se heurtait constamment aux parois du système.
L’affaire Alstom : un scandale à 500 millions d’euros
Au cœur de l’ouvrage se trouve l’affaire Alstom, que Marleix avait longuement étudiée en tant que président de la commission d’enquête parlementaire sur la vente des fleurons industriels français. Les révélations sont accablantes. La vente d’Alstom Power à l’américain General Electric et celle d’Alcatel au finlandais Nokia, autorisées par Emmanuel Macron alors ministre de l’Économie, ont généré environ 500 millions d’euros d’honoraires, partagés entre banquiers d’affaires, cabinets de conseil, communicants et avocats d’affaires.
Mais le plus troublant reste à venir. Marleix écrit : « J’étais surpris de trouver d’étonnantes résonances entre les bénéficiaires de ces ventes, l’écosystème de la finance qui s’était partagé plusieurs centaines de millions d’euros d’honoraires, et la liste des financeurs de la campagne du candidat Macron. »
En deux ans à Bercy, Emmanuel Macron avait autorisé le passage sous pavillon étranger de quatre entreprises du CAC 40. Des choix tellement désastreux qu’Emmanuel Macron a fini par faire racheter les turbines Arabelle d’Alstom par EDF et la filiale ASN câbles sous-marins d’Alcatel par l’État.
Une saisine du parquet restée lettre morte
Face à ces découvertes, Olivier Marleix avait saisi le parquet. En sa qualité de président de la commission d’enquête parlementaire, il disposait en effet d’une prérogative spécifique pour signaler des infractions pénales. Il avait rédigé une lettre argumentée, un véritable réquisitoire, qui aurait dû conduire à l’ouverture immédiate d’une instruction.
Régis de Castelnau raconte une scène édifiante lors de l’audition d’Isabelle Chapreneau, procureure du tribunal de Paris. Marleix s’était déplacé avec sa lettre pour interroger la magistrate sur l’absence de suivi. Sa réponse, d’une arrogance extraordinaire : « Si vous croyez que je connais tous mes dossiers, mes 1 700, en détail. » Une affaire concernant le président de la République en exercice et 500 millions d’euros évaporés, et la procureure prétendait ne pas savoir de quoi il s’agissait.
Dix ans plus tard, aucune procédure judiciaire n’a été ouverte. Tout le monde sait qu’il y a derrière une affaire de corruption géante, mais le système judiciaire reste verrouillé. Selon Régis de Castelnau, ces 500 millions d’euros ne sont pas le fruit d’un travail, mais des cadeaux, de la pure corruption ayant servi à financer l’élection d’Emmanuel Macron.
Le système des retraites vendu à BlackRock
Le livre révèle également un autre scandale : la réforme des retraites voulue par Emmanuel Macron. Marleix explique que le système présenté aux élus se voulait universel, mais que cette universalité se limitait à trois fois le plafond de la Sécurité sociale. Au-delà, les 300 000 personnes aux revenus les plus élevés devaient se tourner vers le secteur privé.
L’ancien député découvre alors avec stupéfaction que la loi Pacte, votée quelques mois plus tôt, avait tout prévu en permettant à des gestionnaires d’actifs, comme BlackRock, de collecter l’épargne retraite individuelle des Français. « Tout cela est cousu de fil blanc », écrit-il.
Un réformiste face à un système irréformable
Ce qui ressort de la lecture de cet ouvrage, c’est un profond sentiment d’impuissance. Olivier Marleix était un réformiste qui pensait pouvoir colmater les brèches, réparer le système et réaliser de petites avancées pour sauver ce qui pouvait encore l’être. Il était constructif et essayait de travailler dans le cadre institutionnel.
Mais le livre montre l’échec de cette approche. Régis de Castelnau, qui partageait le diagnostic mais divergeait sur les solutions, explique : « Il pensait qu’on pouvait colmater, qu’on pouvait réparer un système que je considérais comme irréformable et avec lequel il fallait introduire une rupture, une rupture totale. »
Didier Maïsto ajoute : « Olivier Marleix était quelqu’un de réformiste, qui pensait pouvoir colmater les brèches, réparer le système. Des gens comme nous pensons qu’il faut tout faire table rase, car on ne peut pas travailler avec M. Macron et tout son entourage. »
L’affaire Fillon et la justice à deux vitesses
L’ouvrage évoque également l’affaire Fillon et le rôle du Parquet national financier (PNF). Marleix note que, lors des auditions, Éliane Houlette, présidente du PNF, et Isabelle Chapreneau, procureur général près de la cour d’appel de Paris, n’avaient pas la même version des faits. Ils ont dû se reprendre plusieurs fois avant d’obtenir un texte cohérent.
La comparaison avec Bruno Le Roux est révélatrice. Mis en cause exactement au même moment que Fillon pour des faits similaires concernant l’emploi d’attachés parlementaires, l’ancien ministre de l’Intérieur du dernier gouvernement de François Hollande a été jugé la semaine dernière dans la plus grande discrétion. La procédure fulgurante qui avait disqualifié Fillon avait duré 47 jours. Pour Le Roux, plusieurs années.
Un homme d’une autre époque
Olivier Marleix était peut-être le dernier gaulliste des Républicains. Régis de Castelnau souligne la lucidité de son diagnostic sur la catastrophe que représentait, selon lui, l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, qu’il considère comme une forme de coup d’État auquel la justice a participé.
Didier Maïsto évoque « quelqu’un qui aimait l’ordre, qui n’aimait pas trop quand ça bougeait un peu beaucoup, quand l’autorité de l’État était remise en question ». C’était quelqu’un de cette droite bonapartiste qui n’existe plus vraiment aujourd’hui. »
Les deux hommes s’interrogent : peut-être était-il dans une forme de schizophrénie, se disant : « Ce n’est pas possible, je n’y arrive pas. » Peut-être était-il l’homme d’une autre époque qui n’arrivait pas à changer le système. Le sentiment d’impuissance face à l’ampleur de la corruption et à l’impossibilité d’agir a peut-être été insupportable pour cet homme de convictions.
Ce livre posthume constitue ainsi un témoignage précieux sur l’état de la démocratie française, sur la corruption qui gangrène les plus hautes sphères de l’État et sur l’impuissance des institutions face à ces dérives. Un journal de bord qui montre qu’il est impossible de réparer un système profondément pourri et qu’il faut une rupture totale.
Source : Tocsin































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