Une table ronde organisée par le collectif On Ne Veut Plus s’est tenue lors de la Grande Braderie de Lille le 6 septembre 2025, réunissant des personnalités politiques et syndicales autour d’un objectif commun : préparer la mobilisation du 10 septembre et réfléchir aux perspectives d’après. Manuel Bompard (député et coordinateur de LFI), Sarah Rami (porte-parole de la Jeunesse Communiste), Samuel Meegens (membre du Bureau de l’UD CGT Nord) et Dr Zoé (présidente de l’association La Brèche) ont échangé sur trois questions centrales : pourquoi manifester le 10 septembre, comment répondre au chantage de la dette, et que construire après un éventuel départ de Macron.
Une mobilisation nécessaire face à l’autoritarisme
La chute programmée du gouvernement Barnier, qui doit intervenir lundi avec le vote de défiance à l’Assemblée nationale, ouvre une séquence politique cruciale. Pour Manuel Bompard, cette mobilisation populaire est indispensable pour que « la chute de Barnier se traduise aussi par la chute de la politique de Barnier et donc évidemment par le départ de Macron ».
La spécificité du mouvement du 10 septembre réside dans son caractère à la fois citoyen et syndical, évitant la fracture qui avait handicapé les Gilets jaunes. Contrairement à la mobilisation contre la réforme des retraites, qui s’était contentée de « jouer à la loyale » avec des manifestations massives, cette mobilisation mise sur un rapport de force renforcé par des actions de blocage et la grève.
Sarah Rami insiste sur l’importance de l’organisation collective face à une génération habituée aux défaites : « Il faut pas rester dans une mentalité en se disant que rien n’est gagnable. Il faut aller de l’avant, il faut être optimiste et il faut s’organiser. » L’initiative On Ne Veut Plus, avec son site permettant de générer des visuels personnalisés et ses kits militants distribués gratuitement, illustre cette volonté de donner des outils concrets de mobilisation.
Le mensonge de la dette démasqué
Face au discours catastrophiste de Barnier sur la dette, les intervenants déconstruisent méthodiquement cette propagande. Manuel Bompard rappelle des faits têtus : la France se finance aujourd’hui moins cher que les États-Unis, et la charge de la dette en proportion de la richesse produite est inférieure à ce qu’elle était dans les années 90 et 2000.
Le déficit actuel ne résulte pas d’une explosion des dépenses publiques, mais d’une baisse des recettes de l’État causée par la politique de l’offre de Macron. « Vous avez un pouvoir qui a créé le déficit de facto en faisant des cadeaux aux plus riches et aux grandes entreprises et aujourd’hui qui vient voir le peuple et qui vous dit ‘C’est à vous de payer la facture' », dénonce le député des Bouches-du-Rhône.
Plus radicalement, la position défendue assume que cette dette ne sera jamais remboursée et qu’une partie significative doit être annulée. Sarah Rami va plus loin : « Cette dette c’est pas la nôtre. Cette dette eux qui la créent. » Elle rappelle que pendant que s’accumulent les casses sociales, les trois plus grandes fortunes françaises se sont enrichies de dix fois en dix ans, et 211 milliards d’euros d’aides sont versés annuellement aux grandes entreprises.
Samuel Meegens, pour la CGT Nord, dénonce le chantage patronal qui se répète dans chaque entreprise : « Ils me disent ‘Il va falloir que tu enlèves un morceau de bifteck dans l’assiette de tes gosses’ […] Qui est-ce qui bouffe ici ? Qui est-ce qui a tout bouffé le travail qu’on a produit ? Tout est parti chez les capitalistes dans le profit. »
Construire le pouvoir populaire
Au-delà de la critique, les participants esquissent les contours d’une alternative. Pour Manuel Bompard, il s’agit de passer « d’une économie qui est une économie de l’offre et qui dépend de la capacité d’acteur financier à une économie des besoins qui est guidée par la question des besoins ». Cela implique des transformations structurelles comme le pôle public bancaire ou le pôle public du médicament.
La 6e République défendue par LFI ne se limite pas aux institutions : elle doit poser « la question de la démocratie dans l’entreprise », « la question du pouvoir aux travailleurs », et donner « une dimension constitutionnelle » à l’urgence climatique. Cette transformation nécessite une articulation entre victoire électorale et mobilisation populaire continue.
Sarah Rami prône la « construction du pouvoir populaire » avec pour mot d’ordre « on produit, on décide ». Elle préconise de « créer les conditions matérielles à l’émancipation de la classe travailleuse » en sortant d’une logique purement électoraliste pour « instaurer les décisions politiques au sein des bases et des masses ».
Samuel Meegens rappelle que la CGT a une « double besogne » : améliorer immédiatement les conditions des travailleurs et œuvrer à « la transformation de la société pour aller vers une société sans classe ». Il souligne l’importance d’organiser non seulement dans les entreprises mais aussi dans les quartiers, car « cette jeunesse là dans les quartiers, c’est notre classe aussi ».
Au-delà du 10 septembre
Les organisateurs assument pleinement l’inquiétude du pouvoir, comme l’illustre le bandeau « Vers un septembre noir » diffusé sur BFM TV. Pour eux, le véritable chaos n’est pas la mobilisation populaire mais la situation actuelle : « des gens qui crèvent sur des brancards aux urgences », « des mômes qui ont pas d’enseignants dans leur classe », « des gens qui dorment dans la rue ».
La dimension internationale n’est pas oubliée, avec la dénonciation du soutien français au génocide à Gaza et la critique des 413 milliards de dépenses militaires. Sarah Rami revendique « la sortie de l’Union européenne » et « la dissolution de l’OTAN », « alliance qui est faite pour envoyer les fils et les filles des travailleurs à la guerre ».
Cette table ronde illustre la convergence possible entre différentes forces de gauche autour d’objectifs concrets et d’une analyse partagée des enjeux. Le 10 septembre apparaît comme un test de cette capacité d’organisation collective, avec l’ambition de dépasser les limites des mobilisations précédentes par un rapport de force renouvelé.
Source : On Ne Veut Plus !