Un phénomène migratoire sans précédent secoue actuellement la géographie mondiale de la richesse. En 2025, pas moins de 142 000 millionnaires ont quitté leur pays d’origine pour s’installer ailleurs, un chiffre qui devrait même atteindre 165 000 en 2026. Cette migration massive des grandes fortunes redessine profondément la carte économique mondiale et révèle de profondes transformations géopolitiques.
Qui sont ces nouveaux migrants fortunés
Les personnes concernées par ce mouvement sont désignées par l’acronyme HNWI (High Net Worth Individuals), soit des individus fortunés disposant d’au moins 1 million de dollars d’actifs liquides. Il ne s’agit pas uniquement de propriétaires immobiliers, mais de personnes détenant des capitaux facilement mobilisables, comme des portefeuilles d’actions, des obligations ou des liquidités importantes.
La structure démographique de ces millionnaires a considérablement évolué. Aujourd’hui, 23 % d’entre eux ont moins de 40 ans. Ce ne sont plus les rentiers d’hier qui vivent sur leur héritage, mais des fondateurs de start-up, des traders spécialisés dans les cryptomonnaies, des influenceurs qui ont monétisé leur audience ou des entrepreneurs du secteur technologique. La richesse s’est concentrée et est devenue ultra-mobile.
Les destinations privilégiées
Selon le rapport annuel du cabinet Henley & Partners, réalisé en collaboration avec New World Wealth, certaines destinations se démarquent clairement comme les grandes gagnantes de cette migration des fortunes.
Les Émirats arabes unis arrivent en tête, avec 9 800 nouveaux millionnaires attendus d’ici 2025. Les États-Unis suivent avec 7 500 nouveaux arrivants fortunés. L’Italie se positionne en troisième place, dépassant même la Suisse, avec 3 600 nouveaux résidents fortunés. Singapour complète ce quatuor de tête.
Ces destinations ont su allier plusieurs critères essentiels : une fiscalité avantageuse, une stabilité politique, une qualité de vie élevée et des procédures de résidence accessibles. Le Monténégro se distingue par une augmentation spectaculaire de 124 % du nombre de résidents millionnaires entre 2014 et 2024, devenant ainsi une véritable star de la croissance relative.
Les grands perdants de cet exode
Le Royaume-Uni est le grand perdant, avec une sortie nette estimée à 16 500 HNWI en 2025, soit l’équivalent d’une ville entière de millionnaires. Cette hémorragie s’explique notamment par la suppression, le 6 avril dernier, du régime non-dom qui permettait aux résidents étrangers fortunés d’échapper à l’impôt sur leurs revenus étrangers. Ce statut faisait de Londres la capitale européenne des milliardaires depuis des décennies.
La Chine arrive en deuxième position, avec environ 7 800 personnes fortunées en moins, qui fuient principalement vers Singapour pour échapper à une surveillance pesante et à un contrôle étroit de leurs capitaux. La France enregistre une sortie de 800 millionnaires, soit 7 % de plus qu’en 2023. D’autres pays sont également significativement touchés, comme la Russie, la Corée du Sud, l’Inde et le Brésil.
Les raisons multiples de ces départs
Toutes ces motivations ont une racine commune : la peur. Peur de l’instabilité, peur de l’augmentation des impôts, peur d’être la prochaine cible d’un mouvement populaire ou d’un parti politique. Pour les personnes dont le patrimoine repose sur la confiance, la stabilité et la prévisibilité, l’incertitude est un véritable poison.
En France, le climat a basculé après les dernières élections. L’hypothèse d’un retour de l’impôt de solidarité sur la fortune, la hausse de la fiscalité sur l’immobilier et les successions, ainsi que la multiplication des taxes sur les entreprises ont semé le doute parmi les personnes disposant d’un patrimoine élevé. Les débats autour d’une taxe universelle inspirée par l’économiste Gabriel Zucman et la stigmatisation politique des ultra-riches ont convaincu les plus mobiles d’entre eux de chercher des horizons plus cléments. Les gestionnaires de fortune confirment cette tendance : les demandes de transfert de résidence fiscale ont doublé depuis 2023.
En Inde, 4 300 Indiens aisés, souvent jeunes et issus du secteur des nouvelles technologies, ont quitté le pays en raison du manque d’infrastructures et de la lourdeur bureaucratique. Les motivations incluent également le besoin de stabilité économique et politique, un environnement plus propice aux affaires, un cadre de vie plus sain, ainsi qu’un accès facilité à l’éducation et aux techniques médicales de pointe.
La compétition mondiale pour attirer les fortunes
Face à cette mobilité croissante, de nombreux pays ont développé des stratégies agressives pour attirer ces capitaux. Les millionnaires sont en effet un levier de croissance économique : ils apportent d’importants volumes de capitaux, créent des entreprises, génèrent des emplois et dynamisent des secteurs clés tels que la finance ou l’immobilier de prestige.
L’arme principale de cette concurrence s’appelle le « golden visa », ou « visa en or ». Le principe est simple : un droit de résidence, voire la citoyenneté, en échange d’un investissement dans le pays d’accueil. En Grèce, par exemple, 250 000 euros suffisent pour obtenir une résidence permanente. L’Italie propose un impôt forfaitaire de 200 000 euros par an, quel que soit le niveau de richesse, ce qui a attiré des centaines de nouveaux résidents fortunés.
Aux Émirats arabes unis, un visa de 10 ans réservé aux investisseurs, entrepreneurs et talents à hauts revenus est accessible à partir de 500 000 euros. Le Monténégro offre la citoyenneté à quiconque investit dans des projets touristiques ou immobiliers, ce qui permet d’obtenir un passeport européen. Aux États-Unis, le visa EB-5 accorde une carte verte contre un investissement de 800 000 à 1 million de dollars. Donald Trump a récemment lancé les cartes Gold, Corporate Gold et Platinum, offrant une résidence permanente, voire la nationalité, en échange d’investissements allant de 1 à 5 millions de dollars, avec une exonération totale des revenus provenant de l’étranger.
Les conséquences économiques de cette migration
Pour les pays de départ, la perte ne se limite pas à un simple contribuable. C’est tout un écosystème qui s’affaiblit. Lorsque les grandes fortunes s’en vont, les recettes fiscales diminuent, les investissements privés ralentissent, les achats d’entreprises stagnent, les dons aux fondations chutent et le marché de l’immobilier de prestige se fige.
Certains économistes, comme ceux du Tax Justice Network au Royaume-Uni ou du Conseil d’analyse économique en France, estiment toutefois que cette perte est plus psychologique que réelle, car la mobilité du capital humain fortuné est limitée et souvent surmédiatisée. Toutefois, le symbole pèse lourd. Lorsque ceux qui créent, investissent et embauchent donnent le signal du départ, un effet d’entraînement se produit. Les cadres supérieurs, les entrepreneurs et les créateurs de start-up commencent à envisager qu’ils pourraient eux aussi être mieux traités ailleurs.
Cette migration révèle également une intensification de la concurrence fiscale mondiale, qui crée des tensions diplomatiques croissantes. Les pays fortement fiscalisés accusent les juridictions favorables aux riches de concurrence déloyale et de siphonnage de leur base fiscale. Ces derniers répondent qu’ils ne font qu’appliquer les règles du jeu de la mondialisation en attirant les capitaux mobiles là où ils seront le mieux traités.
Perspectives pour 2026 et au-delà
La tendance reste claire pour les années à venir. Les flux migratoires des personnes aisées continueront de suivre les lignes de force du monde d’après-crise : stabilité, sécurité et fiscalité douce. Pour ces populations ultra-mobiles, le choix est évident entre un pays qui cherche à contrôler les richesses et un autre qui les accueille en toute liberté, sans poser de questions.
En réalité, moins de 1 % des 60 millions de personnes fortunées dans le monde changent de pays chaque année, et beaucoup conservent une partie de leurs actifs dans leur pays d’origine. Néanmoins, ce phénomène illustre une transformation profonde de la géographie économique mondiale, dans laquelle la richesse se déplace vers les territoires offrant le meilleur équilibre entre opportunités, sécurité et reconnaissance du capital.
Source : MoneyRadar































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