Que révèlent les milliers de documents tout juste déclassifiés par l’administration Trump sur l’assassinat de John Fitzgerald Kennedy ? La CIA était-elle impliquée ? Et si oui, pour quel mobile ? Le Mossad a-t-il lui aussi joué un rôle ? Ces questions ressurgissent avec force depuis la publication, le 18 mars, de dizaines de milliers d’archives restées secrètes pendant plus de soixante ans.
L’administration Trump publie 80 000 documents classifiés
Le 18 mars au soir, l’administration américaine a rendu publics 80 000 documents auparavant classifiés sur l’assassinat de JFK, survenu à Dallas en 1963. À l’origine de cette décision : une directive du président Trump, qui souhaite également faire la lumière sur les assassinats de Robert F. Kennedy et Martin Luther King Jr. Selon les autorités, il s’agit de la plus vaste déclassification depuis les années 1990.
« Vous avez beaucoup de choses à lire. Je ne pense pas que nous allons caviarder quoi que ce soit », a affirmé Trump. La directrice du renseignement américain, Tulsi Gabbard, a confirmé cette intention sur X : « Le président Trump inaugure une nouvelle ère de transparence maximale. Aujourd’hui, selon ses instructions, les dossiers précédemment expurgés de l’assassinat de JFK sont rendus publics sans aucune expurgation. Promesses faites, promesses tenues. »
Mais sur le terrain, la réalité est moins nette. Certains dossiers restent partiellement caviardés, d’autres sont à peine lisibles, dégradés, mal scannés ou peu pertinents. Cette publication précipitée a provoqué un branle-bas de combat au sein du ministère de la Justice, en charge de la mise en ligne. Les experts préviennent : le dépouillement intégral de ces documents pourrait prendre des mois.
Des liens entre la CIA et le principal suspect de l’assassinat
Parmi les premières révélations, plusieurs documents portent sur Lee Harvey Oswald, désigné comme le principal suspect dans l’assassinat de Kennedy. On y découvre également des informations inédites sur certaines opérations de la CIA.
Interrogé sur Fox News, le professeur Aaron Good a déclaré : « Ils mettent notamment en lumière les conflits entre JFK et la CIA, ainsi que les relations entre la CIA et Oswald, y compris la surveillance d’Oswald et d’autres éléments relatifs aux relations de Lee Harvey Oswald avec l’agence et les actifs de l’agence. »
Ces nouveaux éléments ne font que renforcer la conviction d’une partie importante de l’opinion américaine : Oswald n’aurait pas agi seul. Une opinion partagée depuis longtemps par Robert Kennedy Jr., fils de Robert F. Kennedy et neveu de JFK. En 2024, il affirmait que l’implication de la CIA dans la mort de son oncle était « claire ».
« Ce que j’ai dit à propos de la mort de mon oncle, c’est que même le Sénat et la Commission spéciale de la Chambre des représentants sur les assassinats, après une enquête de deux ans, ont conclu que mon oncle a été tué non pas par un seul tueur, mais par une conspiration. »
Depuis lors, ajoute-t-il, « il y a eu un million de pages de documents et de nombreux aveux de personnes impliquées dans cette affaire, de sorte que les preuves de la collusion de la CIA, de sa mort et de la dissimulation, qui se poursuit aujourd’hui, sont très claires. »
Concernant l’assassinat de son père, il reconnaît que les preuves sont circonstancielles, mais suffisamment solides pour constituer un dossier judiciaire : « En tant qu’avocat et ancien procureur, je me sentirais très, très à l’aise pour porter plainte contre la CIA pour l’assassinat de mon oncle et le prouver au-delà de tout doute raisonnable dans le cas de mon père. Il y a des preuves circonstancielles, très, très fortes, même si elles ne sont pas déterminantes. »
On sait par exemple que Lee Harvey Oswald avait été mis sous surveillance par la CIA peu de temps avant l’attentat.
CIA : un mobile pour le crime
Mais si l’agence américaine a réellement participé à l’élimination de JFK, quelle en était la raison ? Le journaliste Jefferson Morley, spécialiste de l’histoire de la CIA et de l’assassinat Kennedy, avance une explication directe : Kennedy voulait démanteler la CIA.
Selon lui, les documents fraîchement déclassifiés permettent de mieux comprendre ce projet. « Nous savons pourquoi JFK voulait “réduire la CIA en poussière et la disperser au vent”. Parce que, comme le lui a dit Arthur Schlesinger, la CIA usurpait effectivement l’autorité présidentielle. »
Morley rappelle que l’agence a censuré le dossier Schlesinger pendant soixante ans, afin de cacher l’ampleur de son pouvoir réel. Dans ce document, Schlesinger met en garde JFK contre « l’empiètement de la CIA sur les fonctions traditionnelles de l’État », qui compromettait sa capacité à mener une politique étrangère autonome.
En clair, la CIA aurait non seulement eu les moyens, mais aussi le mobile pour se débarrasser d’un président devenu menaçant pour son pouvoir.
Le Mossad impliqué ?
Mais ce n’est pas tout. D’autres éléments, encore plus inattendus, suggèrent une implication potentielle du Mossad, les services de renseignement israéliens.
Certains documents révèlent l’existence d’une filière de renseignements secrète entre la CIA et le Mossad, directement supervisée par James Angleton, chef du contre-espionnage à la CIA. Un lien que Jefferson Morley avait déjà évoqué un mois plus tôt dans une interview accordée à Tucker Carlson.
Il y mentionnait un document de 113 pages encore lourdement censuré : le témoignage de James Angleton en 1975 devant la commission Church, relatif au programme nucléaire israélien. « Les expurgations concernent clairement Israël. S’agit-il d’un document lié à l’assassinat ? Absolument. La commission d’examen des dossiers d’assassinat a déclaré qu’il répond à la définition statutaire. »
À l’époque, Kennedy faisait pression sur Israël pour permettre des inspections sur le site nucléaire de Dimona. Les Israéliens s’y opposaient fermement, de peur qu’on y découvre un programme de fabrication de bombes.
« Il s’agissait donc d’une véritable pomme de discorde entre le gouvernement israélien et l’administration Kennedy au cours de l’été 1963 », souligne Morley. Une époque où Angleton gérait à la fois les dossiers Oswald et les relations avec les services israéliens.
Il note aussi qu’« un des seuls changements politiques majeurs opérés par Lyndon Johnson dans l’année qui a suivi l’assassinat du président concernait le programme nucléaire israélien, qu’il a accepté. »
Pour certains, cette hypothèse est récente. Mais d’autres l’avaient déjà envisagée il y a plus de dix ans. En 2013, l’historien américain Martin Sandler affirmait qu’une série de lettres échangées entre Kennedy et David Ben-Gourion montrait clairement l’ampleur du conflit. Kennedy menaçait Israël de sanctions s’il poursuivait ses essais nucléaires. Ben-Gourion lui répondait : « Il est facile pour vous de le dire, en étant assis à Hyannis Port. Je suis assis avec les Arabes tout autour de moi. »
Peu après, Ben-Gourion démissionne. Sandler affirme avoir trouvé des articles sérieux affirmant : « Oubliez Lyndon Johnson, oubliez la CIA, oubliez Fidel Castro. Le Mossad a tué Kennedy parce qu’ils étaient furieux de ce qu’il avait fait à Ben-Gourion. »
Il reconnaissait toutefois en 2013 que cette thèse n’était pas prouvée. Et elle ne l’est toujours pas aujourd’hui. Mais elle est désormais soutenue par des documents bien réels.
Il reste encore des milliers de pages à examiner. Jusqu’où la CIA et le Mossad ont-ils joué un rôle dans l’assassinat de Kennedy ? S’agissait-il d’une opération conjointe, ou d’une coïncidence historique aux ramifications troubles ? En l’absence de résumé officiel, ce sont désormais les chercheurs, les journalistes et les internautes les plus téméraires qui devront faire le tri dans cette immense pile de documents.
Source : NTD France