La Bibliothèque nationale de Suède abrite l’une des plus grandes collections de livres au monde, avec plus de 18 millions d’ouvrages catalogués. Parmi ces trésors rares et précieux, un ouvrage se distingue littéralement par sa stature imposante : le Codex Gigas, ou « livre géant » en latin.
Mesurant près d’un mètre de haut, pesant autant qu’un homme adulte et offrant une surface d’écriture équivalente à celle d’une piscine publique, c’est le plus grand manuscrit médiéval qui existe. Créé au début du XIIIe siècle, ce colosse contient la Bible latine complète, mais ses dimensions extraordinaires ont permis d’y ajouter bien d’autres éléments : textes médicaux, nécrologies, encyclopédie complète, formules magiques, sorts mystérieux et instructions détaillées pour réaliser des exorcismes.
Une illustration diabolique unique au monde
Au fil de ses pages monumentales, on trouve une illustration d’un demi-mètre de hauteur représentant le diable en personne. Cette représentation est absolument sans précédent dans l’histoire des manuscrits médiévaux. Aucun des dizaines de milliers de manuscrits conservés dans les bibliothèques du monde ne contient quoi que ce soit de comparable. La taille, le niveau de détail et le fait même de consacrer une page entière au démon sont extraordinairement inhabituels. Cette particularité a valu au Codex Gigas le surnom évocateur de « Bible du Diable ».
La légende du moine damné
Avec le livre, s’est transmise une légende glaçante durant huit siècles. Il y a 800 ans, dans un monastère isolé de Bohême, un moine bénédictin aurait été condamné à mort pour un crime terrible. Sa peine : l’emmurement, c’est-à-dire être muré vivant dans les murs de son propre monastère.
Dans une ultime tentative pour sauver sa vie, le moine aurait juré de créer en une seule nuit un livre grandiose en l’honneur du monastère, un ouvrage contenant toute la connaissance humaine. Mais se rendant compte rapidement de l’impossibilité de sa promesse, il se serait agenouillé pour prier. Non pas Dieu, mais Satan lui-même.
Le diable serait alors apparu et, en échange de son âme, aurait façonné le plus grand livre jamais conçu. L’illustration diabolique aurait été ajoutée par la suite par le moine en hommage au véritable auteur de l’ouvrage.
Des anomalies scientifiquement troublantes
Aussi fantaisiste que puisse paraître cette légende, certains aspects du Codex Gigas sont véritablement déconcertants. Les chercheurs ont établi avec certitude que ce manuscrit colossal avait été entièrement rédigé par un seul et même scribe, doté de compétences exceptionnelles.
À une époque où les erreurs d’écriture, les fautes d’orthographe et les omissions étaient monnaie courante dans les manuscrits copiés à la main, le Codex Gigas ne présente aucune erreur notable. Cette précision est d’autant plus remarquable que les experts estiment qu’il aurait fallu à un seul auteur jusqu’à 30 ans de travail quotidien pour créer un livre de cette ampleur et de cette complexité.
Plus troublant encore, la qualité de l’écriture reste remarquablement constante du début à la fin. Or, sur une période de plusieurs décennies, la vue, la force, le contrôle moteur et l’état de santé général d’un scribe évoluent inévitablement, ce qui devrait se refléter dans son écriture. L’écriture de la première page est pourtant indiscernable de celle de la page 620, rédigée des décennies plus tard.
Les pages noircies et autres mystères
La page représentant le diable présente une particularité visuelle frappante : elle est sensiblement plus sombre que les autres, comme si elle avait été noircie par le feu. Le livre a effectivement mystérieusement survécu à un incendie, mais ses pages n’ont jamais été brûlées.
L’explication est en réalité plus prosaïque : le vélin exposé à la lumière du soleil développe une patine sombre caractéristique. Cette page, de loin la plus célèbre du manuscrit, a été exposée bien plus longtemps à la lumière que les autres au fil des siècles.
Deux fixations métalliques à l’arrière de la couverture suggèrent que le livre était attaché en permanence à une table. Loin d’être une mesure occulte, il s’agissait simplement d’une pratique courante pour protéger les ouvrages de grande valeur à l’époque médiévale.
Un parcours historique mouvementé
Les premiers propriétaires confirmés du Codex étaient les moines d’un petit monastère bohémien nommé Podlažice. Longtemps, les historiens ont cru que le livre y avait été créé, mais des recherches récentes ont montré que ce monastère était bien trop pauvre pour financer un projet aussi ambitieux. On estime qu’il a fallu abattre 160 animaux pour produire le vélin nécessaire, et la reliure géante n’aurait pu être réalisée que par un artisan de premier ordre.
Personne ne sait réellement qui a commandé ce chef-d’œuvre ni où il a été créé, ce qui est étrange pour un livre considéré comme la huitième merveille du monde. On dirait presque qu’il est apparu de nulle part du jour au lendemain.
À la fin du XVIe siècle, l’empereur du Saint-Empire romain Rodolphe II, collectionneur d’art renommé et passionné d’occultisme, s’empara du manuscrit en 1594. Peu après avoir acquis la Bible du Diable, Rodolphe II perdit la raison, affirmant être possédé par le démon. Sujet à des accès de paranoïa et de rage inexplicables, il devint un fardeau tel que son propre frère le renversa. L’empereur déchu fut enfermé au château de Prague avec le Codex Gigas et mourut neuf mois plus tard.
En 1648, lors de la dernière phase de la guerre de Trente Ans, une armée suédoise attaqua Prague dans le but principal de s’emparer de la collection de Rodolphe II, et plus particulièrement du Codex Gigas. Des nations se sont littéralement fait la guerre pour ce livre.
La reine Christine de Suède stocka le Codex dans son château de Tre Kronor, à Stockholm. Moins de 50 ans après l’arrivée du manuscrit, presque tout le château fut détruit par un incendie dévastateur. Soixante-quinze pour cent des livres de la bibliothèque furent anéantis. Pourtant, malgré son poids de 75 kilos et le fait qu’il était probablement enchaîné à un bureau, le Codex Gigas a survécu. Selon la rumeur, quelqu’un l’aurait jeté par une fenêtre pendant l’incendie, heurtant au passage un passant malheureux.
L’énigme de l’auteur
Si aucune intervention infernale n’est nécessaire pour expliquer l’existence du Codex Gigas, cela signifie qu’un être humain ordinaire a accompli cet exploit remarquable. La deuxième page du manuscrit contient une nécrologie concernant un moine nommé Herman Inclusus, ce qui signifie « Herman le reclus ».
Certains chercheurs pensent qu’Herman pourrait être l’auteur original du Codex. Le mot latin « inclusus » peut également signifier « confiné ». La légende contiendrait-elle une part de vérité ? Le Codex Gigas aurait-il été rédigé sur plusieurs décennies par un moine du nom d’Herman, qui aurait commis un crime terrible et aurait été enfermé non pas dans un mur de monastère, mais dans une simple cellule ? La légende du diable et du moine damné serait-elle une mémoire populaire basée sur l’histoire réelle de la création du Codex ?
La vérité ne sera probablement jamais établie avec certitude. Les héros et les méchants de cette histoire sont morts depuis près d’un millénaire. Quoi qu’il en soit, quelle que soit la main qui a tenu la plume il y a huit siècles, le Codex Gigas demeure indéniablement l’un des plus grands livres jamais conçus : une cathédrale littéraire construite mot à mot par un individu au talent et au dévouement presque incroyables.
Source : Thoughty2































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